La jeune Fatima Daas publie son premier roman et c’est l’une des surprises de cette rentrée littéraire.
Un récit intime qui claque ! Chaque chapitre commence par « Je m’appelle Fatima Daas… », comme une litanie. Le roman monte en puissance au fur et à mesure. Et on découvre la narratrice, double de la romancière, en proie à ses contradictions.
Elle vit dans une famille musulmane pratiquante originaire d’Algérie. Elle habite à Clichy-sous-Bois. Elle fait des études et écrit. C’est une élève intelligente mais plutôt instable et elle devient une adulte « inadaptée ». Ses parents attendaient un garçon, c’est une fille.
Fatima est étouffée par le poids de sa culture où la sexualité et l’amour sont des tabous. Elle est homosexuelle et ne trouve pas les mots pour en parler à sa mère. Elle discute avec l’imam à la mosquée, en invoquant une amie qui se pose des questions. Elle va suivre une psychothérapie. Fatima se cherche, cherche sa place. Un roman court et intense, comme un coup de poing. Un texte puissant qui augure une belle carrière littéraire à Fatima Daas. Une écriture simple, précise et poétique. Indispensable pour la compréhension de notre société.
Elle a reçu le prix des Inrocks premier roman 2020.
Découvrez les 10 romans préférés des explorateurs de la rentrée littéraire sur Lecteurs.com ! Un palmarès quelque peu surprenant puisqu’on n’y trouve pas forcément les auteurs les plus connus ou les meilleures ventes du moment.
Ce classement annonce également la fin d’une belle aventure littéraire et humaine pour moi, puisque ma mission d’exploratrice se termine. J’ai adoré participé à ce groupe de lecteurs passionnés, animé par la merveilleuse Karine Papillaud. J’espère pouvoir renouveler cette expérience l’année prochaine.
En quoi consiste la mission d’un explorateur de la rentrée littéraire ?
J’ai reçu 4 livres par la Poste cet été. La chance était de mon côté, car contrairement à d’autres explorateurs, tous mes livres sont bien arrivés à destination en temps et en heure ! Karine Papillaud avait sélectionné 100 romans et m’en a attribués 4 selon mes préférences. J’ai reçu : > Loin-Confins / Marie-Sabine Roger (Rouergue) > Requiem pour une apache / Gilles Marchand (Aux forges de Vulcain) > Sublime royaum / Yaa Gyasi (Calamnn-Levy) > A la première étoile / Andrew Meehan (Joëlle Losfeld éditions)
Une belle sélection qui m’a permis de découvrir des auteurs. Au bout des 100 premières pages, nous avons publié un premier avis, très court pour donner nos impressions. A la fin de chaque roman, j’ai rédigé une chronique que j’ai envoyé à Karine Papillaud pour relecture. Et nous avons attendu le top départ sur le groupe Facebook pour publier les chroniques sur le site Lecteurs.com fin août.
Une fois nos lectures terminées nous avons prolongé les échanges en nous envoyant les livres entre explorateurs. J’ai donc pu encore lire : > Elle a menti pour les ailes / Francesca Serra (Anne Carrière) > Une bête aux aguets / Florence Seyvos (Editions de l’Olivier) > L’enfant céleste / Maud Simonnot (Editions de L’Observatoire) > La danse du vilain / Fiston Mwanza Mujila (Métailié)
Restait une dernière étape, donner une note sur 30 aux livres que nous avions lus et imaginer les questions que nous aimerions poser aux auteurs. Merci à tous les explorateurs pour vos échanges de livres, vos partages de chroniques et votre solidarité face à la boîte aux lettres vide ! Merci à Karine Papillaud, Aline Amoros et Lecteurs.com pour avoir orchestré tout cela. Rendez-vous lundi 26 octobre pour l’interview de notre N°1, Marie-Sabine Roger, par Karine Papillaud dans le cadre des rencontres « Un endroit où aller ».
Je suis cette auteure depuis son premier roman en 2004, « Kiffe kiffe demain », que j’avais beaucoup aimé. Les primo-romanciers ont souvent la pression avec la sortie d’un deuxième roman. Et je dois dire que Faïza Guène m’embarque à chaque nouveau roman. Elle a un style particulier, presque parlé mais tout en restant bien écrit, et de l’humour ou une certaine autodérision pour parler de sujets difficiles.
Dans ce nouveau roman, les chapitres alternent entre deux temporalités : la vie de Yamina, née à Msirda en Algérie en 1949 et la vie de Yamina aujourd’hui à Aubervilliers.
Yamina a vécu une enfance difficile, pauvre. Son père, résistant, était parti au combat. Elle aurait voulu aller à l’école et étudier mais son père avait besoin d’elle pour subvenir aux besoins de la famille. Alors elle s’est occupée de ses petits frères, du jardin collectif et elle a été couturière. Jusqu’à ce que son père se résolve à la marier avant qu’elle ne deviennent une vieille fille.
Elle est mariée à Brahim, un homme qu’elle ne connaît, plus âgé qu’elle qui a émigré en France pour y travailler (mines, chantiers). La voilà donc séparée de sa famille, de son père qu’elle admire et de sa terre. Son arrivée en France n’a pas le goût de paradis. Ils vivent dans des immeubles insalubres mais elle ne se plaint pas.
C’est le portait d’une femme forte et courageuse mais qui restera discrète toute sa vie. Yamina veut que ses enfants réussissent, qu’ils ne manquent de rien. Elle a quatre enfants, trois filles et un garçon.
Omar est le petit dernier. Il est chouchouté par sa mère. Il est chauffeur VTC, habite toujours chez ses parents à 30 ans. Au fur et à mesure du roman, on découvre les 3 filles également, Malika, Hannah et Imane. On ressent le poids de la culture des parents sur les enfants. Leur peur de décevoir leurs parents. Pourtant, aucun des quatre n’a mal tourné. Le père est un bon mari, il n’est pas violent. La religion est aussi un thème évoqué dans le livre.
Un roman où il est question de transmission, de liberté, d’intégration. Comment toute une génération d’enfants français issus de parents immigrés tente de trouver sa place dans la société. Ils ne se sentent nulle part chez eux. La mère leur transmet toute sa colère contenue en leur disant de rester discrets lors de toutes les petites humiliations vécues au quotidien. Cette colère ressortira chez Hannah.
J’ai beaucoup aimé la façon dont Faïza Guène raconte l’histoire de cette famille, son intimité, avec une part certainement autobiographique. En tout cas un bel hommage. J’ai bien aimé également le regard tendre entre le mari et la femme : les petites attentions de Brahim, le jardin familial, les « Benti ». J’ai ressenti tout l’amour de Yamina pour ses enfants, mais aussi tout l’amour et le respect des enfants pour leurs parents. Il y a de très beaux passages sur l’enfance de Yamina en Algérie.
Un très beau roman qui m’a touchée et dont je vous conseille la lecture.
J’ai découvert cette jeune romancière et poétesse avec son roman « Une bête au paradis », paru en 2019 aux éditions L’Iconoclate, que j’ai beaucoup aimé.
Et j’ai vu par la suite qu’elle avait eu en 2018 le prix Apollinaire et le prix SGDL (Société des gens de lettres) révélation de poésie pour son recueil « Les ronces » au Castor Astral, que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire.
Donc quand je suis tombée sur ce recueil paru en début d’année, je me suis précipitée pour le lire.
Cécile Coulon écrit des poèmes tout le temps, tous les jours. C’est un besoin chez elle. Vous trouverez d’ailleurs sur son compte Facebook des poèmes publiés très régulièrement : https://www.facebook.com/coulon.cecile
Elle parle de son quotidien, de ses amours et de sa région, l’Auvergne.
J’ai aimé plonger dans son univers. Ce ne sont pas des poèmes « classiques ». Ils sont très contemporains et certains plein d’humour. Des poèmes qui sont le reflet d’une jeune femme d’aujourd’hui.
J’aimerais lire plus de poésie, mais souvent j’ai une belle pile de romans qui m’appelle. Je trouve de chouettes idées de lecture sur le compte Instagram de Devoratrix Libri, le #lundipoésie. Elle est souvent de bons conseils pour les romans également, je vous recommande son blog 😉
Voici un extrait d’un poème « Le nouveau monde et après » : « Ayant pour seule consolation la lumière à l’aube sur les volcans endormis. je chemine lentement, contournant mes propres colères, des ampoules humides sous les doigts et les orteils, mon vieux cœur boursouflé de souvenirs : il est l’heure de se taire. D’écrire un peu. Et le reste appartient au nouveau monde. »
Autant vous prévenir tout de suite, je ne serai pas objective concernant les romans de Marie-Hélène Lafon. C’est l’une de mes auteurs « chouchou » ! J’ai presque lu tous ses livres. Et je sais que je peux acheter les yeux fermés tous ses nouveaux romans. J’ai eu la chance de la rencontrer en 2015 dans une bibliothèque lors d’une rencontre-dédicace. Elle est juste incroyable ! tellement habitée par ses romans. D’ailleurs vous pouvez la voir ou la revoir en ce moment sur la page Facebook des éditions Buchet-Chastel : https://www.facebook.com/editionsbuchetchastel
Ce roman, contrairement aux précédents, a une chronologie assez particulière. Il n’est pas linéaire. On saute d’une époque à une autre, on revient dans le passé. Bref, tous ces allers-retours peuvent être un peu déroutants pour le lecteur. Mais Marie-Hélène Lafon a une bonne raison d’agir ainsi. Elle distille des éléments au fur et à mesure pour nous permettre de comprendre l’histoire de cette famille, son secret. Le roman débute en 1908 à Figeac.
Marie-Hélène Lafon nous raconte une histoire vraie, arrivée à des amis, celle d’André, le fils de Gabrielle. André ne grandit pas auprès de ses parents. Il est élevé par sa tante, Hélène, et Léon son mari, à la campagne, avec ses trois cousines. Sa mère, Gabrielle, vient le voir à chaque vacance. Elle arrive de Paris par le train avec sa valise, son parfum et ses toilettes. Son père, il ne le connaît pas.
André est heureux avec sa tante. Il reçoit beaucoup d’amour et d’affection de toute la famille. Mais peu à peu, il ressent le manque de son père. C’est vers l’âge de 40 ans, qu’il va vouloir en savoir plus.
Tous les romans de Marie-Hélène Lafon se passent à la campagne. Elle a une écriture sobre et précise. Chaque mot est bien choisi, pesé. Je ne me lasse pas de son écriture. Un vrai bonheur de la retrouver à chaque fois. Ses personnages sont attachants.
J’ai bien sûr adoré ce roman captivant et je vous le recommande. Si vous ne connaissez pas encore les romans de Marie-Hélène Lafon, foncez à la librairie ou à la bibliothèque !
C’est mon rendez-vous incontournable de la rentrée littéraire !
Tous les ans, à la fin de l’été, je retrouve avec plaisir la plume d’Amélie Nothomb. Certes, tous les romans d’Amélie Nothomb ne sont pas des chefs d’œuvre. Mais il est vrai qu’elle a placé la barre très haut avec ses premiers romans.
Je dois vous avouer ici la raison de mon affection inconditionnelle pour cette auteure, outre son écriture et ses histoires hors du commun. Il y a de cela 20 ans, j’ai rencontré mon conjoint dans la bibliothèque où je travaillais. Oui, il s’agissait d’un usager de la bibliothèque. Oui, les bibliothèques peuvent être des lieux de rencontre ! Bref, nous avons commencé à discuter autour des livres d’Amélie Nothomb et c’est ainsi que notre histoire a débuté et se poursuit encore aujourd’hui. Chaque année, nous lisons tous les deux le nouveau roman d’Amélie Nothomb, une tradition !
Et cette année je trouve qu’il s’agit d’un bon cru ! Petit clin d’œil au champagne dont Amélie Nothomb raffole et qu’elle glisse souvent dans ses romans.
Le roman se lit facilement et les prénoms des personnages sont originaux, comme d’habitude.
A Bruxelles, Ange, jeune étudiante en philologie solitaire et marginale, donne des cours de français à un lycéen, Pie, identifié comme dyslexique. Mais vu la rapidité avec laquelle il passe de zéro lecture à lire l’Iliade et l’Odyssée, je n’aurais pas posé le même diagnostic ! En résumé : un garçon très intelligent, aimant les maths mais pas la lecture. L’occasion de placer quelques classiques et de donner au lecteur l’envie de les lire aussi. Ode à la littérature.
Le père du jeune homme les observe par un miroir sans tain. Après chaque leçon, il vient faire des reproches à Ange sur sa façon d’enseigner. La jeune femme ne se laisse pas faire et remballe le père, ses arguments sont imparables. Au fil des leçons, un lien va se tisser entre les deux jeunes gens. Ils n’ont que 3 ans d’écart. Pie va parler à Ange de sa vie hyper-contrôlée par son père, l’absence de sa mère. Il va demander de l’aide à Ange et peu à peu se rebeller.
Les dialogues sont percutants et drôles. Comme souvent, le roman se termine de manière abrupte.
J’ai passé un bon moment de lecture en compagnie du dernier roman d’Amélie Nothomb. Rendez-vous dans un an !
Ce roman nous plonge dans l’histoire d’une famille lorraine, près de Metz plus exactement.
La « moman » est malade. Le père et les deux fils vont souvent lui rendre visite à l’hôpital jusqu’à ce qu’elle succombe à la maladie.
Ensuite on les observe tous les trois dans leur quotidien. Il y a Fus, surnommé ainsi parce qu’il joue au football. C’est l’aîné. Et puis Gillou, le plus jeune, plus intellectuel que son frère, qui réussit mieux ses études. Le père travaille à la SNCF.
Il élève du mieux qu’il peut ses enfants qui grandissent sans leur mère. Mais au fur et à mesure il va s’éloigner de son fils aîné. En effet, Fus commence à fréquenter un groupe d’extrême droite. Et pour cet homme militant actif au sein du parti socialiste local, c’est une totale incompréhension. Qu’a-t-il « loupé » dans l’éducation de son fils ?
Le père n’arrive plus à parler à son fils, il l’évite. Il se concentre alors sur le plus jeune qui va partir faire des études à la ville.
Et puis arrive un événement inattendu qui va bouleverser la tranquillité de cette famille. Difficile de vous en dire plus sans dévoiler des parties du roman. Je vous laisse donc découvrir la suite de l’histoire par vous-même.
Tout le roman se place donc du côté du père. Il n’y a que les toutes dernières pages où le fils prend la parole ou plutôt écrit une lettre poignante à son père. Tout le long du roman on sent l’amour du père pour ses enfants. On sent aussi poindre les questions : et s’il avait agi différemment avec son fils, s’il lui avait parlé, est-ce que cet événement serait arrivé ? aurait-il pu changer le cours des choses ?
Il s’agit d’un roman social. On le compare beaucoup au roman de Nicolas Mathieu (Leurs enfants après eux), dont l’histoire se déroule également en Lorraine.
J’ai beaucoup aimé ce premier roman un brin nostalgique. Il a d’ailleurs reçu le Prix Stanislas 2020 lors du salon Le livre sur la Place à Nancy. Cette histoire m’a beaucoup touchée. Je n’ai pas pu lâcher le roman avant d’achever sa lecture. Et après l’avoir terminé, il m’a fallu un peu de temps pour quitter cette famille à laquelle je m’étais attachée.
Gros coup de cœur pour moi, un roman très bien écrit que je vous conseille donc de lire si vous ne l’avez pas encore fait ! Et si vous ne connaissez pas encore cet éditeur, la Manufacture de livres, sachez qu’il gagne à être connu 😉
Cet album ravira les fans de dinosaures mais aussi tous les autres ! Testé et approuvé par un fan de dinosaures pour son anniversaire et par ma fille de 9 ans, pas fan de dinosaures.
Il s’agit d’un album documentaire. On y trouve une histoire drôle et sympathique. Des dinosaures se rendent chez le médecin pour divers soucis de santé : le stégosaure a d’horribles plaques sur le dos, le diplodocus s’est fait un torticolis, le stegoceras a une grosse bosse sur la tête et le tyrannosaure trouve ses pattes avant trop petites.
L’occasion de leur faire passer une radiographie et de voir leur squelette. Le lecteur a également une fiche d’identité pour chaque dinosaure, ce qui permet d’en apprendre plus sur lui.
Hye-Won Kyung est une auteure et illustratrice coréenne. Ses dessins sont doux et chaleureux. En tout cas, ces dinosaures ne font pas peur, au contraire ils sont attachants.
Bref un véritable coup de cœur, à offrir les yeux fermés !
Tout commence comme dans un conte, mais on s’aperçoit vite que cette histoire est inventée. Il était une fois donc une princesse, Tanah. Elle a 9 ans et se prépare pour son futur rôle de reine. Son père, le roi Agapito Ier, lui raconte tout ce qu’il faut savoir sur le royaume dont il a été forcé de s’exiler. Elle a 6 frères. Ils ont tous fui la maison dès que possible et lui conseillent de faire de même.
Tanah en réalité vit avec ses parents dans un appartement dont elle a honte. Mais elle ne demande qu’à croire son père adoré. Il a choisi le prénom de ses 7 enfants, tous sont empruntés à des îles et difficiles à porter.
Tanah n’a pas de complicité, ni de moments de tendresse avec sa mère. Elle finira par la comprendre bien des années plus tard lorsqu’elle aura rassemblé tous les morceaux de puzzles de sa famille.
D’un côté elle a un père doux, calme et rêveur. De l’autre, une mère trop voyante et originale à son goût, qui la ramène dans la réalité qu’elle fuit.
Un livre sur l’enfance et le pouvoir de l’imaginaire. Mais aussi sur la cruauté des enfants entre eux et la difficulté à nouer une véritable amitié. Au sein d’une même fratrie, aucun des enfants n’a été élevé de la même façon. Chacun aura sa vision, sa souffrance, ses manques.
Un roman également sur la folie et ses ravages dans une famille. Malgré toute sa force et tout son amour, la mère ne pourra rien faire pour empêcher les crises de son mari. La folie était-elle héréditaire ? Faut-il absolument être dans une normalité ?
Cette phrase de Tanah m’a marquée : « On ne choisit pas d’être fou, ni le visage de la folie. »
J’ai beaucoup aimé le langage très imagé, c’est onirique. L’auteure a inventé des mots pour des animaux, un peu comme Claude Ponti : crabes-pinçons, pie-l’hibou. Il y a de la grâce aussi dans l’écriture de Marie-Sabine Roger pour raconter la folie. N’ayez pas peur du sujet, ce roman se dévore tout seul ! Et la partie onirique de l’enfance avec le royaume tient une part importante du livre. Vous y trouverez des descriptions magnifiques qui vous feront voyager depuis votre fauteuil ! Un véritable coup de cœur 💕
C’est l’histoire de Gifty et de sa famille émigrée du Ghana aux USA. Tout commence par le rêve américain de sa mère qui gagne sa carte verte à la loterie. Aujourd’hui Gifty a 28 ans et elle est étudiante en doctorat de neuroscience. Elle fait souvent le parallèle entre ses études menées sur les cerveaux des souris et sa vie. Sa mère fait une dépression et elle décide de l’accueillir dans son studio.
On découvre par flashbacks différents moments de sa vie, sa relation avec sa mère, dure, très croyante. Son enfance est pauvre et marquée par le racisme ainsi que par la mort de son frère aîné, Nana, lorsqu’elle a 10-11 ans. Son père est très vite reparti au Ghana, ne supportant pas les emplois sous-payés et humiliants, les seuls accessibles aux noirs. Sa mère est aide-soignante et aide à domicile pour des personnes âgées. Yaa Gyasi dénonce à travers la mère ce dur métier peu considéré.
C’est la mort de son frère à 15 ans par overdose suite à une addiction à un antidouleur qui va faire basculer toute la vie de sa famille. Gifty consignera tous ces moments durs et honteux dans son journal intime. Notamment une conversation marquante avec sa mère :
« Tu sais que je ne voulais pas d’enfant après Nana ? Je ne désirais que Nana et maintenant je n’ai que toi. »
Au fil des pages on se rend compte que Gifty n’a pas choisi ses études au hasard. Elle veut trouver des réponses et savoir comment aider des personnes ayant des addictions ou dépressives. Elle aura toujours des difficultés à se faire des amis, à faire confiance à se camarades ou à son petit ami, déçue par la vie et n’ayant eu comme modèle que sa mère. Une mère qui ne pleure pas et retient tout en elle.
Gifty mène des recherches sur la dépression ou l’anhédonie. Elle parle des évolutions des soins psychiatriques. Elle évoque aussi à plusieurs reprise l’opposition entre religion et science. Par moment le texte devient philosophique, mais sans prise de tête rassurez-vous !
La religion et notamment la foi en Dieu tient une place importante dans le roman.
Yaa Gyasi aborde un thème dont j’ai peu lu d’écrits, la crise des opiacés qui est la première cause de décès aux Etats-Unis. Elle en parle comme d’une vraie maladie à prendre au sérieux.
L’écrivaine met en avant également un problème de société qui est plus que d’actualité avec le mouvement « Black Lives Matter », le racisme et ses effets traumatisants sur plusieurs générations.
Il y a des extraits du journal intime de Gifty. Les chapitres sont courts, l’écriture est agréable à lire, le personnage est attachant, bref ce livre se dévore tout seul ! Les sujets abordés sont graves mais l’écriture dynamique et légère de Yaa Gyasi vous emportera dans l’histoire de Gifty à coup sûr.
J’ai trouvé des références à Toni Morrison et je pense que Yaa Gyasi sera certainement une grande écrivaine américaine. J’ai très envie de lire son précédent livre, « No Home » pour lequel elle a eu de nombreux prix.
Ce roman est encore une belle découverte de cette rentrée littéraire, un vrai coup de cœur.