Gros coup de cœur pour ce roman fort et envoûtant, je n’ai pas pu le lâcher bien que le sujet ne soit pas joyeux. Roman autobiographique ou récit intime ? Peu m’importe, ce livre est bouleversant.
L’histoire de cette famille débute en 1950 en Algérie, quand elle s’exile en France. Le grand-père est médecin, riche. En arrivant en France, il va ouvrir sa clinique privée et poursuivre son ascension sociale. Ses fils n’ont d’autre choix que de faire médecine et de réussir. Pour Armand, l’aîné, tout sera facile, mais pour Harry, plus jeune d’un an, tout sera difficile. On assiste à une concurrence entre les deux frères, lequel triomphera de l’autre ? L’aîné est le préféré et il est brillant. Le cadet est considéré comme un rêveur et s’avère médiocre dans ses études.
Le roman s’ouvre sur une scène beaucoup plus récente, en 1977. Nous sommes dans une chambre d’hôpital et le père de la narratrice est en train de mourir d’une leucémie. Harry est entouré de sa famille. Il meurt à l’âge de 34 ans laissant un grand vide derrière lui, notamment pour sa fille de 15 mois.
Elle raconte la mort de son père puis retrace la rencontre de ses parents. Elle ne nous épargne rien : leurs ébats, la haine de ses grands-parents contre sa mère, la rivalité des deux frères. Elle narre comment sa famille a détruit son père.
Sa mère, Eve, est fantasque. Elle est très belle, pose comme mannequin mais elle est aussi mythomane, insaisissable. C’est l’amour fou entre Harry et Eve.
Imaginez comment cette enfant a grandi, écartelée entre le souvenir de son père et la haine de la famille de son père pour sa mère. Comment se construire sans ce père mais aussi sans la famille de son père qui rejette sa mère ?
Une fois majeure, elle va prendre du recul par rapport à sa mère et se retrouvera seule. Quand elle apprend la mort de sa grand-mère avec qui elle est fâchée, elle va tout laisser tomber. Cet événement va agir comme un révélateur et la plonger dans une profonde dépression.
L’écriture va alors être un moyen pour elle de renaître, dans le livre comme dans la vraie vie. Un drame familial qui va peser sur la ou les génération(s) suivante(s). Sarah Chiche est psychanalyste, on sent l’influence de son métier dans son récit.
Tout est dit en peu de mots. Il y a une tension tout le long du roman, impossible de le lâcher. L’écriture est belle et fluide, faite de phrases courtes. Après la lecture de « Saturne », j’ai très envie de lire son précédent roman, les « Enténébrés », aussi bien pour retrouver cette magnifique écriture que pour avoir encore quelques clés de l’univers de Sarah Chiche.