Le colonel ne dort pas. Ses nuits sont effectivement hantées par les fantômes des hommes qu’il a tués au nom d’une guerre, d’une armée. Le colonel est le « spécialiste » de la torture. Il passe ses journées à torturer des hommes et ce depuis dix ans. Il raconte comment il a débuté et comment au fur et à mesure tous ces morts l’obsèdent.
Il se rend tous les jours dans la grande maison réquisitionnée par l’armée, pour faire son rapport au général. Celui-ci reste enfermé dans son bureau. Lui aussi a bien changé en dix ans. Il joue des parties d’échecs contre lui-même dans une pièce où l’eau s’infiltre. C’est la folie qui le guette.
Il y a un troisième personnage, l’ordonnance, qui assiste aux scènes de torture et reste muet, en retrait. Le colonel se méfie de lui, peut-être devrait-il le dénoncer au général, car « le doute est l’ennemi de la victoire ».
Le roman se déroule dans un pays en guerre. On ne sait pas lequel et peu importe, c’est un texte universel. La couleur grise envahit peu à peu le paysage et les pensées du colonel. Le roman dépeint les effets de la guerre sur les hommes, les soldats.
Emilienne Malfatto alterne entre poésie où le colonel s’exprime directement et prose où le narrateur raconte les journées des trois hommes. Le texte est puissant et obsédant, comme les pensées qui assaillent les personnages. Les scènes de tortures évoquées sont glaçantes. Le lecteur frissonne d’horreur.
Le roman est court, 110 pages. En peu de mots et donc peu de pages, elle a réussi à me plonger dans un univers, à me bouleverser. Impossible de lâcher ce roman avant la fin, ce qui me rappelle l’effet de son premier roman. J’avais été très touchée par « Que sur toi se lamente le tigre ». Celui-ci est tout aussi fort, différent par son thème, mais sans aucun doute un très grand texte. J’ai hâte de savoir quel sera le sujet de son prochain livre. Cette écrivaine s’attaque toujours à des sujets d’actualité et avec un angle très intéressant. On sent que son métier de journaliste et son expérience professionnelle de reporter de guerre marquent son œuvre.
Elle a eu le prix Goncourt du premier roman pour « Que sur toi se lamente le tigre » (éditions Elyzad) et le prix Albert-Londres pour « Les serpents viendront pour toi » (éditions Les Arènes).
La couverture est magnifique. Elle a été illustrée par Nicola Magrin.
Bref, c’est un coup de cœur et elle fait partie de mes chouchous. Si vous n’avez pas encore lu ses livres, je vous recommande fortement de le faire !
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