Le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi / Camille Andrea

J’avais adoré le précédent roman de Camille Andrea, « Le sourire contagieux des croissants au beurre », je me réjouissais donc de lire ce nouveau roman feelgood.

Nous sommes toujours aux États-Unis mais c’est la rencontre inattendue de deux personnes qui est au centre de ce roman. Celle de Noah, 10 ans, garçon métis, à la recherche de signatures pour sa future candidature à la présidence du pays, et Jacob, un vieux Juif, perdant la mémoire et cherchant de la compagnie pour combler ses longues journées de solitude.

L’histoire est racontée avec espièglerie et bonne humeur. Les personnages sont attachants et on sourit souvent. Puis le roman prend une tournure plus sérieuse. On se rend compte que Jacob n’est pas celui qu’il prétend être. Il a d’ailleurs consigné sa vie dans des cahiers pour ne pas oublier ce qu’il a fait par le passé lors de la Seconde Guerre mondiale. Mais je ne vous en dis pas plus pour ne pas divulgâcher.

En tout cas ils partagent quelques après-midis autour d’un donut au chocolat. Leurs conversations abordent des thèmes sociétaux comme le racisme. Tout n’est pas noir ou blanc, mais bien plus compliqué qu’on ne le pense. A la manière d’un conte philosophique, ce roman nous fait réfléchir et nous encourage à davantage de tolérance.

Un roman très humain, plutôt émouvant, que j’ai cependant trouvé moins bien construit et fouillé que le précédent mais très agréable à lire. On ne sait toujours pas qui se cache derrière le pseudonyme de Camille Andrea mais c’est un plaisir de retrouver sa plume ! Une lecture tout à fait adaptée et conseillée pour la période estivale à venir !

Merci à Babelio et Plon pour cette lecture

Note : 4 sur 5.

Incipit :

« Je n’ai jamais bien compris pourquoi les gens n’aiment pas les lundis. Je n’ai jamais aimé les jugements gratuits non plus, faits à l’emporte-pièce. Les préjugés. On dit qu’il y a des jours qui valent moins que les autres, puis on dit qu’il y a des sous-hommes, des sous-races. On vilipende le lundi, et puis on finit par vilipender les gens. Qu’ont de moins les lundis, je vous le demande ? Molière disait, dans la bouche de son Dom Juan, que les débuts ont des charmes inexprimables. Or, le lundi est le début de la semaine. C’est le moment où tout est encore possible, où tout reste à faire. La jeunesse de la semaine, dirais-je si j’étais poète. Et la jeunesse, Dieu ce qu’on la regrette quand on arrive à l’hiver de notre vie, vous verrez ça, et bien plus tôt que vous ne le pensez. Lorsqu’il n’y a plus rien à regarder devant, qu’il ne nous reste plus qu’à regarder au-dessus de notre épaule, tous ces souvenirs, ces regrets laissés derrière. Quand on est au lundi de notre vie, tout est à venir. Au lundi de notre vie, tiens, voilà que je continue à faire de la poésie. »

« – Eh bien, c’est un peu la même chose. Catholique, juif. On croit en quelque chose. Et ça nous rend meilleur, enfin, je pense. Si tu veux être président de tous les Américains, tu devrais t’intéresser à toutes les communautés qui forment notre pays. Les musulmans, les bouddhistes, et tout ça.

– Je m’informerai auprès de mon conseiller.

– Tu as un conseiller ?

– Oui, un conseiller en douze volumes, cela s’appelle une encyclopédie.

Ils éclatèrent de rire et Noah mordit dans le donut avec vigueur. Si son père l’avait vu, assis là, dans cette salle à manger, à bavarder avec un vieux, un juif, il lui aurait passé un savon. Dans sa famille, il y avait quelques règles auxquelles personne (c’est-à-dire lui) ne pouvait déroger sous peine d’être privé de Nintendo pour une semaine. Depuis longtemps, Noah faisait croire à son père qu’il adorait les jeux vidéo afin que celui-ci continue de le menacer de l’en priver. Tant qu’il le privait de Nintendo en croyant que cela l’affectait, il ne le privait pas d’autres choses plus vitales pour lui, à savoir les livres, les journaux, les sorties, et la glace au chocolat et aux noisettes. Et être assis là, dans cette salle à manger, à bavarder avec un vieux, bafouait au moins deux règles les plus importantes que son père avait toujours pris soin de lui inculquer : ne jamais parler aux inconnus et ne rien accepter d’eux. »

« Il était arrivé comme un petit homme, il repartait comme un enfant. »

« Le lendemain, Jacob se surprit à dessiner des poissons multicolores sur sa bouteille d’oxygène. La fantaisie, cette chose qui débordait des conventions comme un poulpe hors d’une bassine, venait d’entrer par effraction dans sa vie. Noah avait la joie de vivre contagieuse. »

« Chaque mercredi, le vieux reprenait vie. »

« L’enfant ne tarda pas à revenir. Comme il l’avait promis. Un homme politique qui tenait ses promesses. En voilà une nouveauté ! »

« – J’étais même en train de me dire que le jour où tu as sonné à ma porte, c’est peut-être le plus beau jour de ma vie.

– C’est gentil, dit Noah, mais je ne pense pas. Vous avez dû en avoir plein, des plus beaux jours de votre vie. J’imagine que le plus beau, c’est quand vous avez rencontré Hannah.

Jacob leva les yeux au ciel, réfléchit un instant.

– C’est vrai, tu as raison. Alors proclamons que c’était le plus beau lundi de ma vie. Ce lundi-là sera toujours à toi, mon garçon.

L’enfant eu l’air embarrassé.

– Jacob, nous nous sommes rencontrés un mardi.

Le vieux ouvrit les yeux en grand, sourit, se tapa le front du plat de la main.

– Mardi ? Alors disons que le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi !

Il éclata de rire. Noah l’accompagna mais, au fond de lui, il trouvait cela bien triste. Parce que le vieux l’oublierait bientôt comme il oubliait aujourd’hui les jours. »

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