Ce roman se passe au Sahel et se compose de trois parties ou trois voix de femmes. Tout comme l’auteure née au Cameroun, elles sont peules et musulmanes. Il y a d’abord Hindou et Ramla, deux sœurs mariées de force à l’âge de 17 ans. Puis Safira, la première épouse ou co-épouse, elle est la Daada-saaré, celle qui veille à l’harmonie de la maison et doit accueillir Ramla. Vous l’avez compris, il est question de polygamie dans ce roman bouleversant.
En effet, la tradition et la religion sont un prétexte pour imposer une soumission totale des femmes à leur mari. Certaines vivent de véritables calvaires, elles sont violées, battues et menacées d’être répudiées. Toute leur vie, on leur dit toujours la même chose, « munyal » ou « patience ». C’est de toute façon toujours de leur faute. Elles n’ont pas obéi, ont fâché leur mari. C’est ce qu’entendra Hindou, mariée à son cousin, Moubarak, un jeune homme violent, drogué et alcoolique.
Dans le Nord du Cameroun, une fille appartient à toute sa famille. C’est ainsi que l’oncle de Ramla « l’offre » à un important et riche homme d’affaire, Alhadji Issa, pour entretenir les bonnes relations. Un homme d’une cinquantaine d’années qui a déjà une femme, Safira. Cette dernière se méfie de Ramla et sans la connaitre va la détester avant son arrivée, car elle lui vole son mari. Et avec la naissance éventuelle d’autres enfants, diminuera la part qui revient à ses enfants. Ramla avant de se marier, faisait de brillantes études et rêvait de devenir pharmacienne. Elle avait même un fiancé, un ami de son frère, qui avait demandé sa main à son père. Mais face à Alhadji Issa, il ne faisait pas le poids.
La condition féminine dans ce pays fait froid dans le dos. Un livre important donc qui grâce aux éditions Emmanuelle Collas et au Prix Orange du livre en Afrique nous arrive aujourd’hui en France.
Djaïli Amadou Amal a vécu elle-même une telle histoire et a décidé d’écrire ce livre comme un message d’espoir pour toutes ces femmes. Elle a créé une association, « Femmes du Sahel », pour inciter les filles à étudier afin d’être indépendantes.
L’écriture est simple et sobre mais d’une redoutable efficacité pour parler d’un tel tabou. C’est puissant et percutant. Certaines scènes sont insoutenables. Lisez ce grand roman pour son sujet, pour que la condition de ces femmes musulmanes avance, pour que les filles puissent aller à l’école et rêver de devenir ce qu’elles souhaitent.
Ce livre m’a fait penser à d’autres romans, « La Tresse » de Laetitia Colombani, mais aussi « Baba Segi, ses épouses, leurs secrets » de Lola Shoneyin (Nigéria), où les co-épouses se font les pires coups. Une collègue m’a d’ailleurs parlé d’un autre grand roman sur ce sujet, « Le silence d’Isra » d’Etaf Rum.
Prix Orange du livre en Afrique 2019
Pour voir ou revoir la rencontre organisée par Lecteurs.com et Un endroit où aller :
Et voici la magnifique rencontre organisée par VLEEL (Varions les éditions en livre) la veille de l’annonce du Goncourt :
J’ai beaucoup entendu parler du silence d’Isra… en bien !
Si ce roman m’a glacée, je suis restée un pied en dehors, peut être à cause de la rupture entre notre culture et celle des trois héroïnes. J’ai ressenti de l’effroi pour elles et ce qu’elles vivent mais ça s’est arrêté là alors que je voulais (et ai essayé de) en ressentir davantage…
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Merci pour l’avis. Chacun ressent différemment un livre.
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Oui c’est certain !
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Celui-ci est aussi dans ma pile… En fait il me fait un peu peur car je sais ce que je vais avoir à supporter et ces situations provoquent chez moi de plus en plus d’incompréhension et de révolte.
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C’est un roman qui bouscule c’est sûr mais pour moi c’est un indispensable, il faut absolument le lire. Il est plutôt court et l’écriture est fluide, on avance vite. De toute façon on ne peut quitter les personnages avant d’avoir terminé la lecture du livre.
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