Sous couverture / Emmanuelle Collas

Ce roman est raconté par Myrto, le double de l’auteure. Elle est éditrice, traductrice, professeure à l’université. Elle donne des conférences à l’étranger. Elle a été archéologue dans une autre vie et a voyagé souvent en Orient.

On entre dans la vie de Myrto par un événement inattendu. Elle vient de retrouver son premier amour, Alexandre. Elle l’avait rencontré un été alors qu’elle passait ses vacances au bord de la mer avec des amis. Jusqu’à présent, cela aura toujours été un rendez-vous manqué. Alexandre réapparaît toujours à l’improviste, de manière impromptue dans sa vie. Ce n’est jamais le bon moment. L’un part, l’autre n’est pas libre, ainsi va la vie. Mais aujourd’hui tout est différent. Ils sont libres tous les deux et peut-être enfin prêts à vivre cette histoire d’amour.

Le lecteur entre ainsi dans l’intimité de Myrto, son quotidien avec sa fille, Lou, et sa chienne, Eden.  Le tempo est lent et doux. L’écriture est simple et belle. Elle nous confie ses états d’âmes, ses doutes. On pense donc découvrir une histoire d’amour mais très vite le roman prend un autre couleur.

En effet, Alexandre est réserviste dans les forces spéciales. Il a une double-vie et peut partir en mission à tout moment, sans prévenir, pour une durée indéterminée. Myrto va-t-elle supporter cette attente et ses absences à répétition. Chaque retour est encore plus difficile.

Elle se documente et regarde de nombreux reportages sur ces soldats des forces spéciales : plus de 3300 hommes de l’armée de terre, de l’air et de la marine. Ils interviennent partout dans le monde et luttent en ce moment contre le djihadisme.

Quand elle lit les journaux, elle est toujours attirée par les titres sur le Proche-Orient. La Syrie, l’Irak, la Turquie sont des pays qui la touchent. Les attentats la meurtrissent.

Elle parle aussi de ses lectures, de ses écrivains préférés, de son métier d’éditrice. Elle écrit un texte sur Massoud, prépare des conférences et voyage pour les donner. Sa maison d’édition est en difficulté, c’est un choc terrible pour elle, un grand moment de solitude. On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec Galaade, l’ancienne maison d’édition d’Emmanuelle Collas.

Il y a beaucoup de références et de citations, qu’elle liste en fin d’ouvrage. Elle cite notamment Philippe Lançon (« Le lambeau »). Elle s’identifie à Ulysse et Pénélope.

Un portrait tout en sensibilité d’une femme sur fond de géopolitique internationale. Après l’éditrice, découvrez l’écrivaine avec son premier roman.

Merci à Netgalley pour cette belle lecture.

Note : 4 sur 5.

Broadway / Fabrice Caro

Un auteur connu pour son humour aussi bien en roman (« Le discours ») qu’en BD (alias FabCaro). Il revient en cette rentrée littéraire avec un nouveau roman tout aussi loufoque. Axel, le narrateur et personnage principal, reçoit un courrier de l’Assurance maladie pour un examen de dépistage du cancer colorectal. Seulement ce courrier est habituellement envoyé aux personnes de 50 ans, et lui en a 46. C’est le début d’une longue introspection toujours avec de l’autodérision. En parallèle, il a été convoqué par le lycée de son fils. Ce dernier ayant fait un dessin obscène de sa professeure. Comment aborder le sujet avec son fils ? Il se dégonfle à chaque fois. Bref il est en proie aux doutes, au bord de la dépression et obsédé par cette enveloppe bleue.

Extrait : « Ces derniers temps, je me réveille toutes les nuits à 3h15 du matin pour aller uriner, et je suis chaque fois bluffé par la constance de cet horaire, toutes les nuits, invariablement, 3h15 pile, comme si ma prostate était pourvue d’une horloge interne, comme si j’étais affublé d’une sorte de super-pouvoir, mais un super-pouvoir qui ne servirait pas à grand-chose, on imagine assez mal les studios Marvel en faire une adaptation. La journée, il est Axel, un employé discret et sans histoires, mais dès qu’arrive la nuit, il devient… Urinor ! Le super-héros qui se lève pour faire pipi à 3h15 pile, le monde du crime n’en sortira pas indemne. Cette enveloppe précipite tout, comme un accélérateur de particules, subitement tout se mêle dans un même élan de désagrégation des chairs et des cellules… »

S’ajoute à cela, un projet auquel il n’adhère pas : des vacances à Biarritz avec un couple d’amis pour faire du paddle. Comme à son habitude, il ne dit rien, n’ose pas dire qu’il n’a aucune envie d’y aller. A chaque soirée où ils abordent joyeusement ce sujet, Axel se sent de plus en plus mal.

Extrait : « En rentrant, j’avais tapé paddle sur Google images, et mes appréhensions s’étaient vues confirmées : on me proposait d’aller ramer debout sur une planche en caleçon de bain avec des gens, et je me suis aussitôt vu, le dos courbé sur un paddle qui n’avançait pas, voire reculait, transpirant et rougeaud, le visage grimaçant de douleur et d’effort, tentant de rattraper à vingt mètres devant moi Denis et ses pectoraux fermes et tendus sous le vent océanique. Le soir, à la nuit tombée, autour d’une assiette de bulots dans un restaurant pour touristes, on commenterait avec une fausse bienveillance mes exploits sportifs, peut-être ne serais-je même pas autour de la table pour les commenter avec eux, peut-être serais-je encore sur mon paddle, immobile, voire reculant encore, au milieu de l’océan, ma silhouette découpée sous la lumière blanche de la lune. Mais au fait, où est Axel ? Anna, écoute, on ne savait pas comment te l’annoncer mais… voilà, il est retourné vivre parmi les dauphins… Ne pleure pas, c’était son destin, la mer c’était toute sa vie, son élément, tu dois l’accepter. Générique de fin, musique synthétique, un film de Luc Besson. »

En cette période de confinement, nul doute que ce livre devrait être prescrit à tout le monde pour piquer quelques bons fous rires.

Note : 4 sur 5.

Le lièvre d’Amérique / Mireille Gagné

Voici un roman singulier de cette rentrée littéraire. Le personnage principal s’appelle Diane. On fait des allers-retours dans le temps et donc dans la vie de Diane. Les chapitres sont entrecoupés de pages explicatives sur le lièvre d’Amérique : son comportement, son alimentation, ses prédateurs, sa reproduction, son territoire.

Elle a grandi sur l’Îsle-aux-Grues, un archipel d’îles au Canada. De son enfance, elle nous parle surtout de son ami Eugène, un fervent défenseur des animaux chassés. A l’âge de 15 ans, il disparait mystérieusement. Elle nous parle de la mer et de ses dangers (marées).

Aujourd’hui, elle vit seule, dans un appartement aseptisé en ville. Diane est une travailleuse acharnée, une employée modèle qui arrive tôt et part après tous ses collègues. Mais Diane est jalouse de l’une ses collègues. Son unique objectif est de la surpasser. Alors elle a pris rendez-vous pour une opération qui lui permettra de dormir moins et de travailler davantage.

Le roman s’ouvre à J+1 de l’opération et nous observons avec Diane ses effets sur son corps et son mental. Des effets surprenants, on dirait bien que ses yeux s’agrandissent, que son rythme cardiaque s’accélère, qu’elle devient rousse avec des taches de rousseur de plus en plus nombreuses…

Ce roman est très court et il m’a captivée. Je voulais découvrir en quoi allait se transformer Diane à la suite de cette opération mystérieuse. Je dois dire que la couverture a également attiré mon attention. Une très belle illustration colorée de Stéphane Poirier recouvre la totalité de la couverture. C’est un bel objet, une illustration en noir et blanc est insérée régulièrement entre les chapitres tels des intercalaires. La mise en page est soignée (design graphique et mise en page par l’Atelier Mille Mille). A la fin l’auteure a glissé un lexique de vocabulaire maritime, parler rural de l’île-aux-Grues. Vous trouverez par exemple la définition de « grignons » : « des mottes de terre ou de glaces durcies par la gelée ». J’ai adoré tous ces mots, une véritable invitation au voyage sur cette île que je ne connaissais pas. Une belle découverte ! Laissez-vous tenter !

L’éditeur décrit ce roman comme « une fable animalière néolibérale, [qui] s’adresse à celles et ceux qui se sont égarés ». Ainsi on nous dit que le roman est une adaptation libre d’une histoire algonquienne racontée par Alanis Obomsawin sur les ondes de la radio CBC en 1970, une légende indienne ! Elle relate les origines de Nanabozo, « une figure mythologique issue des traditions cosmologiques des peuples algonquiens ».

Si vous voulez en savoir plus sur Nanabozo : « Polymorphe et sans sexe défini, il ou elle apparaît le plus souvent sous la forme d’un lièvre. Envoyé sur la terre par le Grand Esprit Manitou et parfois lié à la création du Monde, Nanabozo est tantôt enseignant et bienfaiteur des humains, tantôt farceur. »

Note : 4.5 sur 5.

L’anomalie / Hervé Le Tellier

Difficile de vous raconter ce roman sans trop en dévoiler. Je vais essayer de ne pas trop « spoiler ». Je vais donc faire court !

J’ai un peu reculé avant de me lancer dans la lecture de ce livre. C’est son côté science-fiction qui me retenait et en fait il ne m’a pas perturbée du tout.

Je suis rentrée assez vite dans le roman. L’auteur brosse le portrait des différents personnages du livre. Il y a Blake un tueur professionnel aux multiples identités, Victor Miesel un écrivain, Lucie monteuse de film pour le cinéma, David pilote d’avion atteint d’un cancer, la famille Kleffmann, Joanna une avocate noire, André un architecte, Slimboy un chanteur, etc.

Ça fourmille de détails. On fait connaissance avec tous les personnages brièvement mais je trouve qu’on a le temps de s’attacher à eux, de les garder en mémoire au fur et à mesure.

Les protagonistes viennent de France, des Etats-Unis, du Lagos, etc. Quel est leur point commun ? Ils sont tous montés à bord du vol Air France Paris-New York du 10 mars 2021. Un vol mouvementé qui a subi de fortes turbulences. Et c’est ce même vol qui réapparaît 3 mois plus tard et demande à atterrir à New-York. Vous imaginez la pagaille, les militaires héritent de ce cas inédit et fait appel à de nombreux scientifiques et spécialistes.

Hervé Le Tellier maintient le suspense jusqu’au bout. Vous ne pourrez plus lâcher ce livre une fois commencé et voudrez connaître le dénouement de cette incroyable et intrigante histoire.

J’ai beaucoup aimé aussi les deux personnages scientifiques d’Adrian et Meredith, qui apportent une touche d’humour décalé, tout comme l’écrivain Victor Miesel.

Un livre réussi donc, et je ne dis pas cela parce qu’il a eu le prix Goncourt. D’habitude je préfère le lauréat du prix Goncourt des lycéens. En tout cas, il pose l’air de rien pas mal de questions métaphysiques, religieuses, philosophiques, etc., sur notre société tout en passant un bon moment de lecture. Je découvre Hervé Le Tellier avec ce roman original. J’ai apprécié son écriture riche, dynamique et maîtrisée. J’ai ressenti qu’il s’amusait beaucoup en écrivant ce roman et je pense que c’est communicatif, puisque moi aussi j’ai trouvé cette histoire divertissante et bien rythmée.

Le livre se termine par un petit jeu d’écriture ou OULIPO.

Je vous laisse découvrir ce roman, avec lequel j’ai passé un bon moment.

Note : 5 sur 5.

Le sanctuaire / Laurine Roux

Ce roman post-apocalyptique nous plonge dans un monde où les hommes sont pour la plupart morts à cause d’un virus véhiculé par les oiseaux.

Nous suivons le quotidien d’une famille composée d’un couple et de ses deux filles. Ils vivent dans une cabane au milieu de la forêt. Un endroit dont les limites ont été fixées par le père et qu’ils appellent le Sanctuaire. Les filles ont interdiction de les franchir. Ils chassent et jardinent pour se nourrir.

La narratrice est la plus jeune des deux filles, Gemma. Elle est née dans ce monde post-apocalyptique. Alors que sa sœur aînée, June, a connu le monde d’avant avec une maison, des amis, des jouets, etc.

Près de la cabane se trouve une mine qui leur fournit du sel pour conserver le gibier chassé. Elle sert aussi de terrain de jeux aux filles. La mère y a trouvé un livre, sorte de carnet de bord qui recense les activités de la mine. Elle s’en sert pour écrire. Avant, elle écrivait des romans, Aujourd’hui elle n’a plus de papier pour écrire. Elle a une petite étagère constituée de livres trouvés dans les maisons vides, c’est la « bibliothèque d’Alexandra ». Elle fabrique des épouvantails pour éloigner les oiseaux. Elle aime par-dessous tout ses filles. Quand elle s’adresse à elles, elle leur dit « Mon amour, mon cabri ». Alexandra pense souvent à la vie d’avant avec nostalgie. Elle évoque presque tous les jours des souvenirs liés à la mer. Elle essaye de maintenir quelques événements festifs comme les anniversaire ou noël.

Le père est dur et sévère. Il entraîne ses filles comme des militaires : course, pompes, saut dans la rivière glacée, tractions. Il était sculpteur dans le monde d’avant. Aujourd’hui son objectif est de tuer tous les oiseaux, pour ne pas être contaminé. Il a donc entraîné Gemma au tir à l’arc et au lance-pierre. Quand ils tuent un oiseau, ils se précipitent pour le récupérer et le brûler. Ils ont toujours une gourde d’essence accrochée à leur ceinture et des allumettes quand ils se promènent en forêt. Le père a un lance-flamme. Quand l’essence vient à manquer, il part, seul, dans la vallée siphonner des réservoirs.

Vous l’aurez compris, dès qu’un oiseau plane au-dessus de leur tête, c’est tout un enchaînement de gestes bien répétés qui se mettent en place. La peur les saisit et il n’y a qu’une seule chose à faire, tuer l’oiseau et le brûler.

« Armer, viser, tuer : voilà ce pour quoi je suis programmée. »

Un jour, Gemma aperçoit un aigle avec son père. Quelque chose la retient. Elle ne tire pas assez rapidement, n’obéit pas dans la seconde à son père. Elle a blessé l’oiseau mais il n’est pas mort. Elle part à sa recherche pour terminer le travail. Elle s’éloigne de son père, dépasse la zone connue et voit un vieil homme avec l’aigle blessé. Le vieil homme s’en prend à Gemma. Il la traite de « bourreau d’oiseaux » et menace sa famille. C’est le chaos dans la tête de Gemma. Comment cet homme a-t-il pu toucher cet oiseau et ne pas être mort ?!

A partir de cette rencontre, Gemma ne va cesser de penser au vieil homme et surtout à l’aigle. Elle va attendre un prochain départ de son père pour tenter de les retrouver.

La suite est à découvrir dans le roman ! Il est court et certainement que comme moi, vous n’arriverez pas à le lâcher avant la fin qui est glaçante. L’histoire est prenante et les rebondissements s’enchaînent.

Au fur et à mesure, un fossé se creuse entre les deux sœurs. Leur vision du monde est tellement opposée qu’elles ne se comprennent plus. June est triste et en colère. Elle se sent prisonnière. Elle s’interroge beaucoup sur leur avenir et sur la future mort de leurs parents. Alors que Gemma est née dans ce monde, elle ne cherche pas à partir.

Evidemment le virus est un sujet sensible en ce moment.

Il m’a beaucoup fait penser au roman de Sandrine Collette, « Et toujours les forêts », que j’avais beaucoup aimé, mais avec une fin très différente. Petite pensée pour une collègue qui a la phobie des oiseaux (penser à la prévenir que ce roman pourrait fortement la perturber !).

L’écriture de Laurine Roux m’a beaucoup plu. Elle a reçu le prix révélation de la Société des Gens et des Lettres (SGDL) en 2018 pour son premier roman : « Une immense sensation de calme », également paru aux éditions du Sonneur.

J’ai d’ailleurs pu participer à une rencontre en visio avec les éditions du Sonneur au mois de novembre, avec Varions les éditions en live ou VLEEL pour les intimes. L’éditrice était passionnante, j’avais envie d’acheter tous les livres présentés. J’ai eu un gros coup de cœur pour cette maison d’édition.

Note : 4.5 sur 5.

Autoportrait en chevreuil / Victor Pouchet

Un court roman où, Elias, 32 ans, écrit pour raconter son enfance. Une enfance pas ordinaire et qui l’a marqué. En effet, son père est magnétiseur. Ou pour être plus précis, voici sa carte de visite : « paradoxologue – médium – sciences occultes ». Il reçoit ses « clients » dans une cabane au fond de son jardin. Il n’a pas d’autre activité donc pas de salaire fixe. A la maison, il n’y a pas de télévision ni de téléphone à cause des ondes. Son père impose ses mains pour guérir. Il est spécialisé dans les brûles, il « coupe le feu ». Quant à la mère d’Elias, elle est morte quand il avait 3 ans.

Elias a peur que tout s’écroule autour de lui. Il a peur des lubies de son père, de ses possibles dérapages. Il parle peu et n’a pas d’amis. Ses camarades d’école se moquent de lui : « le père d’Elias est maboul ».

Il faut dire que son père a des méthodes d’éducation assez particulières. Il ne lui apprend rien. Il préfère qu’Elias expérimente, découvre par lui-même, comme par exemple apprendre à faire du vélo. Alors Elias s’entraîne, persévère et arrive à faire certaines choses par lui-même. Son père lui fait faire des exercices de silence prolongé. Il le met à la cave, assis, une demi-journée sans parler, avec une clochette. Il y a aussi l’exercice de grand froid où Elias est totalement immergé dans le lac en hiver. Tous ces exercices ont pour but de libérer Elias de ses ondes. Bien sûr il déteste tout cela.

Son père se remarie avec Céline. Elle travaille à la boulangerie du village. Elle a toujours un air maladif. Elle est maigre et pâle. Ainsi naquit son demi-frère Ann. Les parents étaient persuadés que ce serait une fille. Ils avaient choisi un prénom féminin et à la naissance ne l’ont pas changé. Elias n’a pas le droit de le toucher à cause des ondes.

Et puis chaque été, Elias part un mois chez sa grand-mère maternelle à Brest. A son retour, son père lui fait subir des séances spéciales pour se défaire des ondes transmises par sa grand-mère. Il doit suivre un régime alimentaire sans céréales et laitage pendant une semaine.

Ann grandit et à l’âge de 10 ans change, s’éloigne progressivement d’Elias. Il commence à ressembler de plus en plus au père. Il s’exerce avec le père. Il a même un don de vision et voit des choses comme lorsqu’un camarade disparaît et qu’il permet à la police de le retrouver.

Ensuite il se passe un événement, un drame qui ne sera révélé qu’à la toute fin par le père.

Après Elias, c’est la voix d’Avril qui prend le relais. Il est tombé amoureux d’elle il y a quelques mois. Il est heureux. Il semble avoir trouvé une certaine « normalité » auprès d’elle, un équilibre. Il aimerait « choisir l’option légère » avec elle. Avril aime son côté décalé. Elle ne s’ennuie pas avec lui. Mais Elias a parfois des réactions bizarres et Avril se pose alors des questions sur lui, sur sa famille dont il ne veut pas parler. Je vous laisse découvrir le reste de l’histoire par vous-même.

Victor Pouchet a reçu le prix Blù Jean-Marc Roberts pour ce second roman. Je n’ai pas lu son premier roman mais il a visiblement de très bonnes critiques. Je remercie mes camarades explorateurs de m’avoir fait découvrir ce livre parmi cette foisonnante rentrée littéraire. J’ai beaucoup aimé l’écriture. Le livre est composé de trois parties, inégales en termes de pages. Le changement de narrateur est très bien retranscrit, on passe à un style totalement différent entre Elias, Avril (son journal intime) et le père (un récit débité à toute vitesse). Une histoire de famille, encore, décidément, pas ordinaire. Comment se construire avec une telle enfance marquée en plus par un drame. Elias est un personnage très attachant.

Petit clin d’œil aux bibliothécaires, Victor Pouchet ne nous a pas mis en avant avec Elias ! En effet, Avril rencontre Elias à la bibliothèque. Il est bibliothécaire et elle le surnomme « Bancal bibli » : « il ressemble à Vincent Lacoste mélangé à Buster Keaton. Avec un grand regard sombre et des bras un peu long. On dirait qu’il est bancal. »

Une dernière chose, ce titre est intriguant, n’est-ce pas !? Est-ce que ce livre parle de chevreuil ? pas vraiment. Il parle certes de nature, puisqu’Elias et son père vont souvent s’y promener. Mais le chevreuil est surtout l’animal totem d’Elias, trouvé après une transe totémique organisé par son père.

Merci aux échanges entre explorateurs pour cette belle découverte.

Bref j’ai beaucoup aimé ce roman. L’avez-vous lu/aimé ?

Note : 4 sur 5.

Les impatientes / Djaïli Amadou Amal

Ce roman se passe au Sahel et se compose de trois parties ou trois voix de femmes. Tout comme l’auteure née au Cameroun, elles sont peules et musulmanes. Il y a d’abord Hindou et Ramla, deux sœurs mariées de force à l’âge de 17 ans. Puis Safira, la première épouse ou co-épouse, elle est la Daada-saaré, celle qui veille à l’harmonie de la maison et doit accueillir Ramla. Vous l’avez compris, il est question de polygamie dans ce roman bouleversant.

En effet, la tradition et la religion sont un prétexte pour imposer une soumission totale des femmes à leur mari. Certaines vivent de véritables calvaires, elles sont violées, battues et menacées d’être répudiées. Toute leur vie, on leur dit toujours la même chose, « munyal » ou « patience ». C’est de toute façon toujours de leur faute. Elles n’ont pas obéi, ont fâché leur mari. C’est ce qu’entendra Hindou, mariée à son cousin, Moubarak, un jeune homme violent, drogué et alcoolique.

Dans le Nord du Cameroun, une fille appartient à toute sa famille. C’est ainsi que l’oncle de Ramla « l’offre » à un important et riche homme d’affaire, Alhadji Issa, pour entretenir les bonnes relations. Un homme d’une cinquantaine d’années qui a déjà une femme, Safira. Cette dernière se méfie de Ramla et sans la connaitre va la détester avant son arrivée, car elle lui vole son mari. Et avec la naissance éventuelle d’autres enfants, diminuera la part qui revient à ses enfants. Ramla avant de se marier, faisait de brillantes études et rêvait de devenir pharmacienne. Elle avait même un fiancé, un ami de son frère, qui avait demandé sa main à son père. Mais face à Alhadji Issa, il ne faisait pas le poids.

La condition féminine dans ce pays fait froid dans le dos. Un livre important donc qui grâce aux éditions Emmanuelle Collas et au Prix Orange du livre en Afrique nous arrive aujourd’hui en France.

Djaïli Amadou Amal a vécu elle-même une telle histoire et a décidé d’écrire ce livre comme un message d’espoir pour toutes ces femmes. Elle a créé une association, « Femmes du Sahel », pour inciter les filles à étudier afin d’être indépendantes.

L’écriture est simple et sobre mais d’une redoutable efficacité pour parler d’un tel tabou. C’est puissant et percutant. Certaines scènes sont insoutenables. Lisez ce grand roman pour son sujet, pour que la condition de ces femmes musulmanes avance, pour que les filles puissent aller à l’école et rêver de devenir ce qu’elles souhaitent.

Ce livre m’a fait penser à d’autres romans, « La Tresse » de Laetitia Colombani, mais aussi « Baba Segi, ses épouses, leurs secrets » de Lola Shoneyin (Nigéria), où les co-épouses se font les pires coups. Une collègue m’a d’ailleurs parlé d’un autre grand roman sur ce sujet, « Le silence d’Isra » d’Etaf Rum.

Prix Orange du livre en Afrique 2019

Pour voir ou revoir la rencontre organisée par Lecteurs.com et Un endroit où aller :

https://fb.watch/1ToHW0Xa_h/

Et voici la magnifique rencontre organisée par VLEEL (Varions les éditions en livre) la veille de l’annonce du Goncourt :

Note : 4.5 sur 5.

Ma liste des livres qui font du bien

Vous êtes plusieurs à m’avoir demandé des livres drôles ou plein d’espoir en cette période automnale de confinement. Voici donc une liste non exhaustive de titres lus, testés et approuvés ! Certains commencent de façon très triste mais se finissent de façon lumineuse ou positive, à choisir en fonction de vos goûts, de votre sensibilité ou de votre vécu. Chacun est différent !

Romances et sagas

  • La librairie des rêves suspendus / Emily Blain ou encore « Toi + moi« , si vous aimez la romance et les scènes torrides, sinon passez votre chemin !
  • Les 7 sœurs / Lucinda Riley. J’ai découvert cette saga pendant le 1er confinement. Les éditions Charleston offraient chaque jour un chapitre du 1er tome.
  • Laisse tomber la neige / Cécile Chomin (lecture spéciale Noël !)

Littérature jeunesse

Le confinement peut être l’occasion de se replonger dans les livres de son enfance. Ceux qu’on a aimés, qui ont une histoire particulière et qui résonnent en nous avec nostalgie. Pendant le 1er confinement j’avais adoré la lecture de livres pour enfants de Pénélope Bagieu sur son compte Instagram. J’en ai profité pour les partager avec ma fille.

Bandes dessinées

Dans ma PAL

Le cœur synthétique / Chloé Delaume

Avec celui de Fabrice Caro, ce sont les deux romans drôles de cette rentrée littéraire à découvrir !

Adélaïde, 46 ans, vient de divorcer à sa demande. Elle se retrouve seule dans un minuscule studio à Paris. Elle déprime et veut retrouver un mari au plus vite. Mais elle se rend compte qu’à son âge, elle n’intéresse plus les hommes qui préfèrent des femmes plus jeunes.

Elle a 4 amies très différentes et avec des situations sociales/familiales aussi hétéroclites : Bérangère, Judith, Hermeline et Clotide. Ses amies essayent de l’aider en listant tous ses « ex » pour les contacter sur Facebook, en organisant des fêtes et ultime recours en s’adressant aux déesses lors d’une cérémonie de sorcières.

Après cette cérémonie, elle rencontre Martin, mais comme elle n’a pas été assez précise dans sa demande, après quelques temps de bonheur et qu’il lui déclare « Je t’aime mais je ne te désire pas », elle le quitte. Retour à la case départ avec son chat nommée Perdition comme seule compagnie.

En parallèle, on la suit dans son métier d’attachée de presse d’une maison d’édition notamment au moment la rentrée littéraire. Et cela donne des passages très drôles et grinçants.

Chloé Delaume propose plusieurs fins/scénarios possibles et c’est assez original.

Ce roman est très agréable à lire. Les situations font souvent sourire. Sous cette apparente légèreté de déboires sentimentaux, Chloé Delaume aborde des sujets sérieux comme la solitude mais aussi la sororité. Adélaïde est en proie à ses contradictions, comme beaucoup de femmes, un peu d’autodérision, ça fait du bien ! Les hommes en prennent pour leur grade aussi (patriarcat), et le monde de l’édition n’est pas reste (rentabilité, capitalisme), ça sent le vécu !

Prix Médicis 2020.

Note : 5 sur 5.

Buveurs de vent / Franck Bouysse

Attention ce roman est d’un autre genre que « Né d’aucune femme », tout aussi magnétique mais il s’agit plutôt d’un conte moderne. En effet, l’histoire n’est pas datée et il n’y a pas de référence géographique. Mais peu importe, j’ai été emportée par ce roman et c’est l’essentiel !

Il y a les gens de la ville et par opposition les gens de la vallée, le Gour noir. Tout le monde travaille dur pour avoir de quoi vivre. Deux usines fournissent du travail, la centrale électrique avec son barrage et la carrière. Tout appartient à un seul homme, Joyce. C’est un tyran qui se prend pour un dieu. Il dirige tout. Toutes les rues portent son nom.

La famille Volny est au centre de cette histoire. Il y a le grand-père maternel, Elie, qui a perdu sa jambe dans un accident de travail. Sa fille, Martha, est mariée à Martin. Ils ont eu quatre enfants, trois fils et une fille. Marc est férue de lecture. Matthieu est l’écologiste de la famille. Luc a un handicap mental et n’a pas pu continuer à aller à l’école. Mabel est très belle et surtout rebelle. Ces quatre-là forment une joyeuse fratrie et se retrouvent régulièrement suspendu à un pont. C’est leur jeu favori. Ils se balancent au bout de cordes accrochées au pont du barrage. Un jeu dangereux, mais aussi leur moment de liberté.

Il y a beaucoup de non-dits dans cette famille et de violence aussi. Le père ne sait comment agir avec ses enfants et les bats en pensant que c’est ainsi qu’on éduque les enfants. Il interdit à Marc de lire. La mère est à fond dans la religion, tous ses propos se rapportent à la bible. C’est dans ce contexte qu’ils grandissent et que les garçons partent travailler à leur tour.

Jusqu’au jour où Martha va jeter Mabel hors de la maison. Elle ne supporte plus d’avoir sous son toit une « traînée ». C’est le début d’une nouvelle vie pour Mabel qui avait déjà prévu de partir. Mais un coup dur pour ses frères, son absence les rend tristes. Elle va se faire embaucher dans un bar. Sa beauté va attirer tous les regards et surtout ceux des hommes de main de Joyce. La suite, je vous laisse la découvrir en lisant le roman !

Franck Bouysse nous offre encore un magnifique roman. C’est une ode à la nature et à la liberté. Je me suis attachée à cette famille dont chaque membre se révèle touchant au fur et à mesure de l’histoire. Décidément cette rentrée littéraire est excellente.

Note : 5 sur 5.