La petite menteuse / Pascale Robert-Diard

Alice est avocate en province. Elle voit arriver une jeune femme dans son cabinet qui lui demande d’être son avocate pour son procès en appel. Elle ne veut plus de l’avocat parisien renommé que ses parents avaient choisi pour elle à l’époque. Elle veut être défendue par une femme. Et pourtant, Lisa était la victime dans ce procès et non l’accusée. Elle avait 15 ans et accusait un ouvrier, Marco Lange, de l’avoir agressée sexuellement. Aujourd’hui, elle a décidé d’avouer son mensonge et de rendre des comptes.

Petit à petit, Lisa nous livre son histoire et comment les bonnes intentions de son entourage l’ont confortée dans son mensonge. Pourquoi a-t-elle menti ? A vous de le découvrir en lisant ce roman très bien construit qui se dévore en un clin d’œil grâce à une plume très fluide.

Le lecteur est plongé dans l’ambiance d’une cour de justice. Ambiance que l’autrice connaît très bien, puisqu’elle est chroniqueuse judiciaire pour le Monde depuis 20 ans.

C’est aussi l’histoire d’une adolescente embarrassée par son corps, qui n’ose pas dire non, prise dans une spirale. La période du collège apparaît comme un passage ingrat et difficile pour les adolescents en plein changement hormonal.

Tout le roman est situé du point de vue d’Alice. Elle nous livre ses pensées, ses états d’âme après une carrière où elle s’est battue pour avoir son cabinet, pour être considérée par rapport à ses confrères. Cette affaire la bouleverse et l’oblige parfois à se remettre en question.

Un roman très intéressant qui pose beaucoup de questions, très actuel et fort, sur la justice, sur la complexité des affaires judiciaires et de leur jugement, sur notre société, sur le féminisme. Parce que c’est une enfant, on la croit sur parole. Cela vous rappellera sans doute une autre affaire très médiatisée.

Je vous le conseille fortement si vous aimez être un peu bousculé par vos lectures, en tout cas par celles qui vos poussent à la réflexion, à changer de point de vue.

Merci à Lecteurs.com pour cette lecture

Note : 4.5 sur 5.

Incipit :
« Elle s’est plantée, voilà tout. Alice n’a pas besoin de se retourner. Elle devine que son client lui en veut. Il y a des jours comme ça où le métier ne suffit pas. Ou alors c’est l’inverse. Il y a trop de métier. Trop de phrases déjà énoncées. Trop de mots usés. »

« Ah ! Les merveilleux témoins ! Même quand ils ne savent rien, ils trouvent quelque chose à dire, s’agaça Alice. Elle éprouvait une fois de plus les mots justes d’Erri de Luca. « Prendre connaissance d’une époque à travers les documents judiciaires, c’est comme étudier les étoiles en regardant leur reflet dans un étang. » »

« Lisa continuait de parler. Son visage changeait sans cesse. Il était comme ces paysages qui défilent à travers la vitre d’un train, tour à tour tourmentés et sereins, vastes et étrécis. »

« Alice devait s’en tenir à l’essentiel, avec Lisa Charvet. Le temps passait, la date du procès approchait, son métier c’était avocate, pas médecin ni psychologue, même si parfois tout se confondait. On lui racontait tant de choses en tête-à-tête. Mais c’était ça, aussi, qui lui plaisait dans ce job, l’effraction qu’il offrait dans la vie des autres. Accusés ou victimes, ils étaient finalement à égalité de détresse quand ils venaient la voir. »

« – Vous savez, il n’y a pas tout dans le dossier.
– Il n’y a jamais tout dans un dossier, Lisa. Mais c’est hélas la seule chose qui compte, au procès. Les juges n’aiment pas ce qui déborde. »

« – Ah ! Je peux te dire qu’ils vont m’entendre ! Je vais tout balancer. La « parole sacrée qui sort de la bouche des femmes et des enfants », et tout le bouzin. Les victimes si pures qu’on est le dernier des salauds quand on ose les contredire. Et la justice qui se prosterne devant elles, tellement elle a la trouille de ne pas aller dans le sens du vent. »

« – Je n’avais pas besoin de les convaincre. Ils l’étaient déjà.
Elle glissa, pile au bon moment, cette phrase qu’elles avaient travaillée ensemble, au cabinet :
– Bien sûr que mon mensonge me faisait souffrir. Plus je mentais et plus je souffrais. Mais plus je souffrais et plus on me croyait. »

« Ils éprouvaient intimement la puissance de ce lieu où les mots résonnent comme nulle part ailleurs. On les écoute et en même temps, on les voit tomber. Sur les juges et sur ceux qui sont jugés, sur l’accusé et sur celui ou celle qui l’accuse. Sur ceux qui savent comme sur ceux qui ignorent. Et l’effet qu’ils produisent en dit autant, parfois plus, que ce qu’ils signifient. »

« Lequel d’entre vous pourrait affirmer qu’il ne se serait pas tu, lui aussi ? Vous voyez, c’est ça qui est à la fois terrible et beau aux assises. Au début, on ne comprend pas comment un événement aussi dramatique a pu se produire. Et puis, plus on s’approche, et plus on se dit que peut-être, la même chose aurait pu arriver chez soi. »

« Au fond, dans cette affaire, il n’y a pas de coupable, il n’y a que de bonnes intentions. »

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