Voici un roman aux sujets très forts, Annie Lulu nous confronte au monde dans lequel nous vivons et augure de l’avenir de la planète.
Nous suivons une famille tanzanienne sur plusieurs générations, sorte de saga qui nous emmène dans au moins quatre pays. Le roman s’ouvre avec une scène entre une mère et sa fille qui dévoile la condition féminine de celle-ci, vouée à obéir à son mari et à subir ses violences. Rebecca décide de partir et de laisser ses enfants pour retourner dans son village auprès de sa mère. Tout le village est menacé par la construction d’un pipeline. La mère de Rebecca défend la terre et la faune ardemment. Elle a une sorte de connexion, de lien très fort avec la faune et ressent beaucoup de choses. Ce lien sera ensuite plus ou moins présent dans les femmes de la lignée.
Après son départ, Margaret, 17 ans, est l’aînée et doit s’occuper de ses petits frères et sœurs. Ce qui ne l’arrange pas du tout, car elle veut passer son bac, continuer ses études de lettre et surtout épouser son fiancé, Jay. Ce départ change effectivement sa vie toute tracée. Car son père décide de la marier au fils d’un riche homme d’affaire, Samuel. Mais Rebecca a un secret qui couve dans son ventre. Et quand Samuel découvre la vérité, sa vie devient un enfer. Ils partent s’installer à Londres où Margaret ne connaît personne et ne maîtrise pas la langue.
Le lecteur suit la vie de Margaret, puis de ses filles, Jina et Viviane, puis de leurs enfants, jusqu’en 2047. Une époque où les gens sont des réfugiés climatiques, où le fait de manger de la viande est une abomination, où l’homme réalise les erreurs qu’il a faites par rapport à la nature et à la faune.
Ce roman engagé dénonce le mariage forcé, la violence faite aux femmes, le patriarcat. Certaines scènes sont insoutenables et le moins qu’on puisse dire c’est qu’on s’attache à ces femmes malmenées. On espère que justice sera faite et qu’elles retrouveront leur liberté.
Il questionne également sur notre relation aux animaux et à la planète plus largement. La grand-mère refuse de manger de la viande et surtout les petits des animaux ainsi que les mères.
J’avoue avoir été perturbée dans mes choix alimentaires après la lecture de ce livre. Je ne mange pas beaucoup de viande, mais après ce roman j’en ai mangée encore moins !
L’écriture est flamboyante et nous emporte sur tous les continents à travers six décennies. Un très beau roman de cette rentrée littéraire.
Merci à Netgalley et Julliard pour cette lecture
Incipit :
« – Tu es sûre, mama ?
– Le remède au feu, Maggie : c’est le feu.
– Essaie encore de le convaincre.
– Convaincre ton père, ha ha ha ! Votre précellence, dans votre grande mansuétude, je m’incline devant vous, ô fils de pharaon, laissez votre humble servante quitter son foyer… »
« Ecoute-moi bien, Jina. Je vais te dire à mon tour ce que Nyanya, ta grand-mère, m’a toujours dit, et ce que sa mère à elle lui disait : les hommes sont les êtres les plus cruels qui aient jamais été créés. Où que tu regardes dans ce monde, s’il y a du sang ou de la souffrance, c’est qu’il y a un homme. Ils nous tuent, ils nous violent, ils nous battent, ils nous mentent, ils nous humilient, ils font la même chose à toutes les femelles qui habitent sur terre, qu’on soit leur vache, leur mère, leur fille ou leur femme. Et il est rare que des femmes tuent comme les hommes, très rare, Jina. Partout où des gens ont été exterminés, c’était d’abord par des hommes. Partout où des villages ont été brûlés, c’était par des hommes. Et notre plus grand malheur, ma fille, c’est que nous avons besoin d’eux pour faire des enfants. Il faut faire nos enfants et partir. Je n’avais pas compris ça, pourtant Nyanya m’avait prévenue. Tu sais, quand j’étais jeune, j’étais fiancée. »
« Et la Peine des faunes arriva, stupéfiante : des animaux sauvages ou domestiques se regroupaient, se mêlaient affolés, et traversaient en hordes, indistinctement, des zones agricoles et des villes dans certaines directions, la plupart du temps des forêts, sans que personne ne sache pourquoi. Cela avait lieu aussi avec des bancs d’animaux marins. Des images impressionnantes de ces hordes circulèrent partout. »
Un avis sur « Peine des faunes / Annie Lulu »