Je suis la maman du bourreau / David Lelait-Helo

Alerte coup de cœur ! Ce roman est terrible !

Il s’agit du récit d’une mère. Elle a 91 ans quand elle découvre le secret de son fils un peu par hasard qui va bouleverser sa vie. Elle remet en question son rôle de mère, son éducation, sa foi, sa fierté.

Gabrielle de Miremont est catholique, très pratiquante, et défend l’Église avec ferveur. C’est une femme de caractère qui a toujours le dernier mot. Elle a été élevée dans une famille aristocrate. Elle a l’habitude qu’on lui obéisse et qu’on lui montre du respect. Sauf ce journaliste local qu’elle ne supporte pas, Cédric Lautet, et qui s’évertue à écrire des articles salissant l’image de l’Église. Une joute verbale s’engage à chacune de leurs conversations. Jusqu’au jour où Cédric Lautet publie le témoignage d’un jeune homme abusé par un prêtre pendant son enfance. Son sang ne fait qu’un tour et elle part de suite apostropher le journaliste. C’est le début du craquèlement de son armure. Elle veut absolument rencontrer ce jeune homme. Elle va le recevoir chez elle où il lui révèlera la vraie nature de son fils, le père Pierre-Marie.

Imaginez le choc pour Gabrielle ainsi que toutes les émotions qui s’ensuivent, notamment la honte, la peur du scandale, puis la compassion pour les victimes. Car c’est bien de ce point de vue que se place ce roman, de celui des victimes. Il donne à entendre la voix de ce jeune homme, Hadrien, qui essaye de se reconstruire, de fonder une famille malgré ses peurs et ses blessures.

Le roman commence par des éléments de la fin pour ensuite reprendre au début de l’histoire. Gabrielle écrit dans un carnet ce récit. Les chapitres alternent avec des extraits de son carnet intime et l’histoire racontée par un narrateur. On sait dès le début le secret de son fils puisqu’elle est la « maman du bourreau » et qu’il est mort, mais on découvre au fur et mesure pourquoi et surtout qui l’a tué.

Alors oui, le sujet n’est pas drôle, mais c’est prenant et touchant. Mon cœur de maman n’a pas résisté à cette histoire que j’ai terminée en larmes. Heureusement ma fille était là pour me tendre un mouchoir. Et puis elle m’a demandé pourquoi je pleurais et je lui ai dit que c’est le pouvoir de la littérature et de ce roman. Si j’ai pu ressentir une telle émotion c’est certainement qu’il est réussi.

Je découvre cet auteur avec ce livre. J’ai beaucoup aimé sa plume, donc si vous avez des titres à me conseiller, je suis preneuse de vos conseils !

Ce roman est dans la sélection du Prix Orange du Livre 2022. Plusieurs de mes camarades jurés-lecteurs l’ont également aimé !

Note : 5 sur 5.

Incipit :

« Je suis passée de Dieu à Diable.

N’allez pas imaginer que ce virage m’ait happée par hasard, c’est en pleine conscience que j’ai emprunté le chemin des ténèbres. Pas un instant je n’ai ignoré qu’il mènerait mon âme là où elle se brise aujourd’hui. »

« J’attends la nuit avec la plus grande impatience, l’instant vide où je rejoins mon carnet matelassé d’or, bleu nuit. Je tire sur l’élastique noir, et les pages, ces grands papillons blancs griffés de noir, jaillissent de leur cage. Et moi de la mienne, mon chagrin et ma honte en bandoulière, mon encre pour élixir. Assise à ma petite table face au mur blanc, les jambes nues, je cherche le silence qui n’existe pas, j’entends encore les pas, les cris étouffés, le métal qui couine, la ville qui soupire. »

« Six jours avaient passés depuis qu’elle avait rendu visite à Cédric Lautet. Six jours durant lesquels, Gabrielle de Miremont n’avait pu s’empêcher de guetter l’orage, de craindre la onzième plaie sur son royaume. Son instinct était sûr et les braises allumèrent bientôt l’incendie tant redouté. »

« Évidemment que ce moment viendrait, évidemment qu’il faudrait rendre son visage et son nom au bourreau. Que se figurait-il en faisant le chemin jusqu’ici ? Que ce serait une promenade de santé, une visite de politesse ? Elle était là face à lui, presque douce et gentille, à poser une toute petite question, à quémander un nom. Il détenait l’arme, il pouvait tirer et, à son tour, il deviendrait le bourreau. »

« Et le soulagement qui avait suivi l’aveu, ses pupilles soudain lumineuses et incandescentes, cette renaissance presque immédiate, de la façon dont le soleil s’empare brutalement du ciel après que l’orage l’a fracassé. »

« A mesure que j’écris ces dernières pages, contemplez comme je m’efface lentement. J’entends les portes claquer, les sentences tomber et les tombeaux se refermer.

Celui de mon fils juste avant le mien. »

« Mes morts étaient parfaitement rangés, chacun dans sa boîte, avec sa plaque de cuivre vissée sur le ventre, ses noms et prénoms, ses dates de début et de fin. J’étais dévastée et rassurée. L’ordre m’a toujours rassurées. »

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