J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort / Adèle Fugère

Voici un livre drôle malgré le sujet, la dépression d’une enfant, Rosalie, 8 ans. Un matin, elle décide de s’appeler Jean et de porter une moustache. Ses parents, tolérants, acceptent ce changement. Mais cette moustache pose tout de même des questions, surtout à l’école, est-elle un garçon ou une fille ? Vous trouverez sa réponse en extrait ci-dessous. En tout cas cette moustache l’aide à retrouver « la joie et une certaine sérénité ».

Autour de Rosalie/Jean gravitent ses proches, son ami Simon, son maître Jean-Pierre et ses camarades d’école. Elle a une magnifique relation avec son papy, sorte de confident. Il l’encourage et lui apprend à nager, à jouer au ping-pong.

Il y a aussi Pénélope, une camarade, « qui ne se prend pas pour n’importe qui » et qui l’invite à son anniversaire mais pas Simon, hors de question d’y aller sans lui. Et bien elle n’aurait pas dû inviter Rosalie/Jean, pourquoi ? à vous de le découvrir en lisant ce court premier roman plein de promesses et qui se dévore en un rien de temps !

Au-delà du titre, Jean Rochefort est omniprésent. Vous trouverez de nombreuses références et clins d’œil à l’acteur, notamment des expressions et le choix des prénoms des personnages. La vie à hauteur de yeux d’enfant, cela donne forcément un ton particulier au roman. Je lui ai trouvé un petit côté décalé et d’autodérision à la Amélie Nothomb. Bref j’ai beaucoup aimé ce roman et je vous le recommande.

Merci à Netgalley et Buchet Chastel pour cette lecture rafraîchissante.

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Note : 4.5 sur 5.

Incipit :
« Je m’appelle Rosalie. Rosalie Pierredoux. J’ai 8 ans. J’habite Saint-Lunaire. C’est en Bretagne. J’habite Saint-Lunaire avec mes parents. Ils sont cool, mes parents. Ils ne me grondent pas trop. Je suis en CE2. Mon école c’est l’école Grenier-Hussenot. C’est à Saint-Lunaire. Aussi. Je suis dans la classe de Jean-Pierre, c’est mon maître. Il est « sensass » ! Vous ne savez pas ce que veut dire « sensass » ?
ça veut dire vachement bien. Cool. Comme mes parents. C’est un vieux mot que m’a appris mon papy. Je l’aime bien. Ce mot. Et mon papy aussi. J’aime bien mon papy parce que c’est mon papy. Des fois, c’est plus simple de lui dire des choses parce que c’est justement mon papy. Pas mon papa. Pas ma maman. Pas mon ami non plus.
Quand on est dans la même génération, on a des pudeurs comme on dit. C’est pour cela que j’aime bien mon papy. »

« Dans le fonds, je crois que je suis assez compétente dans la dépression. La seule joie de mes journées, c’est quand je trouve l’endroit pour potentiellement me tuer. J’ai également un goût prononcé pour l’autodestruction, ce qui me procure une jouissance phénoménale ! Je déguise mes chagrins sous une sorte d’impertinence. Et je préfère rire de l’absurdité de la vie pour ne pas trop souffrir. C’est pour ça qu’on dit que je suis rigolote. Le clown triste c’est un cliché, mais c’est très juste.
Je suis le clown désespéré, timide et incompris. »

« Papa et maman se sont regardés. Maman a dit :
– Et depuis quand tu t’appelles Jean Rochefort ?
– Depuis ce matin. Vois-tu, maman, quand le bateau de la vie est déjà loin sur la mer, le capitaine doit savoir faire le point dans la tempête. J’ai fait le point. Avec Dieu. Je Lui ai demandé hier soir qu’il se passe quelque chose. Et ce matin, je m’appelle Jean Rochefort.
– D’accord. Mais cette moustache ?!
– C’est ma moustache.
– Et pourquoi tu portes la moustache ?
– Parce que sans moustache, j’ai l’impression de ne plus avoir de slip. »

« Simon m’a regardé. Longtemps. D’ordinaire, il ne me regarde pas vraiment. Mais là, ce n’était pas pareil. Et puis il a dit : « Cool la stache-mou ! » C’est pour ça que j’aime bien Simon. Parce qu’il ne pose pas de questions. Il se contente de ce qu’il a en face de lui. Enfin là, il m’en a quand même posé deux de questions. Simon a dit :
– Tu es toujours Rosalie ?
– Je suis Jean Rochefort.
– Tu es un garçon ou une fille ?
– Je suis pastel.
Simon a réfléchi. Et quand Simon réfléchit, ça se voit. Et puis il a dit : « Cool ! » Et on s’est mis en rang pour entrer dans la classe. »

« Jean-Pierre était là. Silencieux. Il me regardait. Il a dit d’un air doux : « ça va, Jean ? »
Je l’ai regardé et j’ai dit :
– Oui. Je vais bien.
– ça fait du bien de tout sortir de temps en temps, hein ?
– Oui. Mon cortex m’a laissé tranquille pour une fois.
J’ai souri. Jean-Pierre aussi. Et je suis sorti. »

« Je sentais le sirocco de la jalousie me souffler en rafales dans la région du cœur. La galerne de la déception recouvrir mes ventricules. »

« A la piscine municipale de Saint-Lunaire, il y a toujours du bruit parce qu’il y a toujours du monde. On est jamais tout seul à la piscine municipale de Saint-Lunaire. Il y a souvent d’autres classes. D’autres écoles. D’autres élèves. D’autres gens. Donc d’autres bruits que notre bruit. Donc le bruit des autres avec notre bruit à nous, ça fait beaucoup de bruit. Et puis la piscine, ça résonne. C’est incroyable comme ça résonne, la piscine. C’est dantesque ! Mais ce n’est pas qu’à la piscine de Saint-Lunaire. Ça résonne comme ça dans toutes les piscines. C’est comme à l’église. Dans l’église de Saint-Lunaire, ça résonne beaucoup.
Mais ce n’est pas qu’à l’église de Saint-Lunaire. Ça résonne comme ça dans toutes les églises. Comme la piscine. En fait, la piscine, c’est comme si une église était remplie d’eau. Tu parles d’un barouf ! »

4 commentaires sur « J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort / Adèle Fugère »

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