Coup de cœur pour ce premier roman qui m’a plongée dans la tête d’une jurée dans un procès aux assises. L’histoire se déroule à Chartres, en 2019. Anna Zeller est une citoyenne comme vous et moi. Elle est tirée au sort pour être jurée lors d’un procès pour meurtre. Un jeune couple, qui a à peu près son âge, est soupçonné d’avoir tué une vieille dame, la grand-tante du jeune homme. Ils ont passé déjà 3 années en détention provisoire en attendant le procès, qui est une véritable mise à nu de leur vie, de leur intimité.
La narratrice est Anna, elle parle donc à la première personne et décrit tous ses sentiments, notamment sa peur de juger des personnes. Finalement qu’est-ce qui différencie ce couple – Frédéric et Lucile – d’Anna ? Les différentes étapes du procès sont explicitées. L’air de rien on apprend beaucoup de choses sur le déroulement des audiences.
Au fur et à mesure de l’avancement de l’affaire, une histoire plus personnelle remonte à la surface de sa mémoire et perturbe Anna. Il y a 20 ans, sa cousine Aurore a disparu et n’a jamais été retrouvée. Ce drame familial a chamboulé la vie de tout l’entourage. Aujourd’hui elle tente de l’éclaircir avec sa sœur Maxine.
Ce livre est tout simplement prenant. Quel suspense ! Impossible de lâcher Anna. Je me suis prise d’affection pour elle. Et bien sûr je voulais savoir le fin mot des deux histoires, celle du procès afin de connaître les coupables du meurtre, mais aussi celle d’Anna et d’Aurore. Un cheminement et deux quêtes de vérité avec beaucoup d’émotions. J’ai aimé la façon dont la narratrice, à fleur de peau, se mettait à la place des autres protagonistes.
Bref un très bon premier roman que je vous recommande.
Merci Babelio et HarperCollins pour cette lecture
Incipit :
« Il y avait une chance sur mille deux cents pour que mon nom soit tiré au sort sur la liste électorale. Une chance sur vingt lors du deuxième tirage et une chance sur trois lors de l’ouverture du procès.
Il y avait une chance infime pour que ma vie se fende en deux. Elle m’est tombée dessus comme une pierre d’un immeuble délabré. »
« Tous les professionnels du tribunal portent un costume par-dessus leur tenue de ville : la robe noire des avocats, celle des assesseurs à côté de moi, la robe rouge de la présidente, l’uniforme bleu des policiers. Moi aussi, j’aurais aimé un déguisement pour m’aider à jouer mon rôle de jurée. »
« Ce qu’évoque Côme résonne en moi. J’ai déjà eu cette impression ce matin, comme si on déshabillait les accusés en pleine lumière et qu’à la lueur des projecteurs on leur demandait d’exposer chaque millimètre de leur peau, sans aucune pudeur. »
« Toutes les deux, on est restées coincées dans le cadre imposé par notre mère. Sa grande règle : « Si c’est pour évoquer le passé, il vaut mieux se taire. » Le silence, une camisole pour enfants sages. Les lois apprises dans l’enfance sont les plus insurmontables. »
« Au petit matin, Maxine est déjà partie, partie sur les routes serrer la main à des blouses blanches, leur vendre ses probiotiques qui ne soignent rien mais font du bien, paraît-il, à qui, on ne sait pas, peut-être à des gens qui ont le vendre noué de vide, comme nous, et des plaques rouges qui grattent, comme moi. »
« Elle avait enfoui ses souvenirs comme on creuse un fossé dans le sable pour se protéger des assauts des vagues. »
« C’est le dernier témoignage de la journée et il ne commence pas par l’habituel serment. La famille proche des accusés n’y est pas obligée. La justice préserve les parents d’un éventuel dilemme moral : se parjurer ou prononcer une vérité nuisible à leur filiation. Autrement dit, la loi n’oblige pas à trahir sa propre famille.
Une mère, qu’est-ce que c’est sinon l’inconditionnel, l’assurance d’être aimé, la permanence du sentiment ? En théorie, en tout cas. La mienne n’a pas dû lire le contrat jusqu’au bout. »
« La juge Caillebotte nous a expliqué que nous jugions avec ce que nous sommes, qu’il ne fallait pas nous en préoccuper, que, au contraire, la multiplicité de nos vécus nous rendait collectivement plus justes. Je ne suis pas d’accord avec elle. Nos différences nous divisent. »