Nous sommes en 1951, l’inspecteur Michel, de la brigade criminelle de Lyon, fonce sur son de vélo de course sur les routes du Vercors. Un couple de retraités a été assassiné à Crest, leur fille a disparu. Cette affaire pourrait bien avoir un lien avec la sienne. Il interroge les habitants, le garçon de ferme, les gendarmes du coin. On suit ses faits et gestes, son enquête. Que cherche-t-il ? Qui est-il ?
Présenté comme un roman noir historique sur la couverture, il s’agit bien d’un polar. Moi qui ne lis jamais de polar, j’ai dévoré celui-ci ! L’écriture est efficace. L’intrigue est réussie, la vérité ne se dévoile qu’à la toute fin. J’avais quelques idées notamment sur l’inspecteur Michel, mais j’étais loin d’avoir imaginé toute l’histoire.
François Médéline s’est basé sur des faits historiques, certes peu connus, mais qui ont été dévoilés dans les années 1990. Les bordels ont existé dans les camps. Les prostituées, des prisonnières de droit commun, étaient réservées aux plus méritants afin de les motiver dans leur travail.
Si vous aimez le concept de petite histoire dans la grande Histoire, les enquêtes, le suspense, ce roman devrait vous plaire. En plus il est en format poche, c’est très bien pour notre porte-monnaie !
Les titres des chapitres font référence à des chansons d’après-guerre. Vous pouvez retrouver la liste en fin d’ouvrage et replonger dans l’ambiance de l’époque.
J’ai désormais très envie de lire le 1er volume de cette trilogie, « La sacrifiée du Vercors », qui peut se lire indépendamment.
Bientôt en ligne, la rencontre VLEEL, en replay et podcast, pour découvrir cet auteur au franc parler, naturel et qui m’a totalement convaincue. Merci VLEEL et 10-18 pour cette lecture.
Incipit :
Comme un bouquet de printemps
L’homme pédale sur le vélo de Fausto Coppi. C’est une façon comme une autre de se punir. Il a acheté sa bicyclette, avec dérailleur à levier unique, aux Cycles Longoni. Grâce à elle, Coppi a remporté le Paris-Roubaix l’année dernière. Le Campionissimo a bouclé 247 kilomètres à une vitesse moyenne de 39,12 kilomètres/heure. Au regard des conditions météorologiques et de l’enfer des secteurs pavés, c’est proprement prodigieux. L’homme roule depuis un peu plus de neuf heures, dont trois sous le crachin. Il est parti à 7 heures pile. Il a séché dans la descente après Hauterives, à la fin des Terres froides. Bien qu’il ne maîtrise pas encore les subtilités du rétropédalage et qu’il soit trop grand pour faire un bon cycliste, il s’entête.
Il vient de Charly, dans le Rhône. Son identité est crédible pour traquer les assassins : « inspecteur Michel ». Tous les policiers de haut rang ont une légende. La sienne est solide. Il vit avec sa mère dans la banlieue lyonnaise, n’est pas marié et n’a pas d’enfants. Il travaille à la brigade criminelle de Lyon. Il devrait être commissaire, mais il a la phobie de la paperasse et de la réussite. Accessoirement, il aime bien son patronyme. Le double prénom tient de la malédiction. Sans doute parce qu’il est d’usage de l’affecter aux enfants de l’Assistance et que ceux-là garnissent les rangs du crime dans une proportion conséquente.
Elle faisait tourner toutes les têtes
La Russe ressemble à une Russe. Elle rince le linge au lavoir derrière la bicoque que son mari a rafistolée. Elle a un fort accent, une voix grave, elle roule les r. L’accent russe est comme l’allemand : il suffit de lui ajouter de l’amour et du chagrin. L’inspecteur n’a jamais compris ce peuple, le seul à brûler sa terre et les maisons. Les Russes ne respectent pas les règles de la guerre et préféreront toujours l’enfer à la défaite. Ils ont fait pareil avec Napoléon. Néanmoins, il doit reconnaître qu’elle est magnifique avec sa longue jupe plissée et son tablier à la dentelle grisée par les travaux domestiques, et les cheveux roux et courts. Au bal, elle ferait tourner toutes les têtes. Et en plus, elle s’appelle Natacha.