Paul, agriculteur de 46 ans vivant à Fridières dans le Cantal, passe une annonce pour trouver une femme pour partager sa vie. Annette, 37 ans mère d’Éric, séparée de son conjoint alcoolique et en détention, répond à son annonce et décide de quitter Bailleul dans le Nord pour s’installer à Fridières.
Mais dans la ferme de Fridières vivent également deux oncles, vieux et acariâtres, ainsi que la sœur de Paul, Nicole, pas commode non plus. C’est elle qui régente la maison, organise les repas, s’occupe du linge. Les 3 hommes ne savent pas faire ces choses-là.
On se parle peu mais on en pense pas moins. Les regards peuvent être lourds et tranchants. On se jauge, enfin on jauge Annette. En tout cas Annette et Eric ne sont pas accueillis à bras ouverts par les oncles et la sœur, mais plutôt avec méfiance.
Paul a aménagé l’étage. Ils ont une cuisine américaine, alors ceux d’en-bas les surnomment les Américains. Il n’y a que la chienne, Lola, qui se laisse apprivoiser facilement par Eric. Il semble avoir un don avec les animaux. Ces deux-là deviennent inséparables.
Mais ne perdons pas de vue que ce roman parle surtout de Paul et d’Annette, d’une possible histoire d’amour entre deux êtres qui ne se connaissent pas et se découvrent.
Publié en 2009, on retrouve les thèmes chers à l’autrice. J’ai trouvé ce texte dense, construit avec de longues phrases, parfois sans virgules. J’avoue préférer le dernier roman de Marie-Hélène Lafon où l’écriture est plus à l’os. Je poursuis ma #lafonmania en lecture commune avec Delphine et Agnès. A bientôt donc pour une nouvelle chronique !
Incipit :
« Annette regardait la nuit. Elle comprenait que, avant de venir vivre à Fridières, elle ne l’avait pas connue. La nuit de Fridières ne tombait pas, elle montait à l’assaut, elle prenait les maisons les bêtes et les gens, elle suintait de partout à la fois, s’insinuait, noyait d’encre les contours des choses, des corps, avalait les arbres, les pierres, effaçait les chemins, gommait, broyait. »
« Il faudrait s’arracher du corps cette habitude que c’était de s’occuper de tout, de régner sur ses hommes, les trois, par là, par les tissus propres et doux rassemblés préparés pour la semaine. Nicole l’avait senti dès le début, dès les premiers mots, quand Paul avait parlé des travaux qu’il allait entreprendre pour installer en haut une cuisine. La personne qui viendrait aurait tout son matériel, et l’électroménager, c’était une personne déjà équipée, indépendante, là où elle habitait dans le Nord avec son fils. Paul avait dit une cuisine sans cloisons, ouverte, américaine ; et cet adjectif, relevé par une Nicole sourdement effarée de l’invasion dont était menacé son territoire, fut aussitôt enrôlé par les oncles pour désigner, au pluriel et en bloc, les deux impétrants, les formidables, les Américains qui à l’avenir mangeraient avec Paul, dans une cuisine de même nationalité, en haut, tandis qu’eux, les trois, les frustes Gaulois, les Cantalous préhistoriques, n’en mangeraient pas moins, aux mêmes heures et en bas, dans leur cuisine française. »
« Nicole était la gardienne de Fridières, la grande prêtresse de cette religion du pays, ramassé sur lui-même, clos et voué à le rester autant par les fatalités de sa géographie et de son climat que par les rugueuses inclinations de ses habitants. On finirait au mieux par être toléré à Fridières, on n’y serait pas accueilli, en dépit de Paul et de tout son bon vouloir d’homme pacifique et résolu. »