Seyvoz / Maylis de Kerangal et Joy Sorman

Voici un texte court (109 pages) et magnétique écrit à deux mains et deux stylos (noir et bleu) ! Dès que je vois un titre à paraître de Maylis de Kerangal, je le précommande ! Bref c’est une autrice chouchou.

Le personnage principal est Tomi Motz. Cet ingénieur est envoyé de Paris par l’entreprise Voltang, pour intervenir sur la centrale électrique de Seyvoz dans les Alpes.

A son arrivée, il doit contacter Brissogne, mais ce dernier ne répond pas. Il est absent et tout se met à dérailler. Une ambiance étrange s’installe et on sent Tomi angoissé, troublé. Son hôtel est complet mais il ne croise personne. Il y a une atmosphère fantastique dans les pages de ce livre.

Le texte en noir est l’histoire vue depuis Tomi de nos jours. Le texte en bleu est le passé, l’histoire de la construction du barrage. Pour construire cette centrale électrique, il a fallu engloutir le village de Seyvoz pour créer un lac artificiel. Autant vous dire que les villageois n’étaient pas du tout favorables et qu’ils ont été expropriés. Le roman raconte notamment les tombes déplacées, les cloches de l’église, la venue d’ouvriers espagnols, les hommes morts sur le chantier de construction et la transformation du paysage.

Le roman met magnifiquement en avant les grands espaces, la montagne. J’ai préféré la partie écrite en noir sur le passé du village de Seyvoz car elle est poignante. D’ailleurs j’aimerais bien savoir comment s’est écrit ce roman entre Maylis de Kerangal et Joy Sorman. Comment ont-elles fonctionné ? est-ce que chacune écrivait séparément ou en commun ? Je n’ai pas senti de différence de style d’un chapitre à l’autre.

L’histoire de ce village, Seyvoz, est basée sur celle de Tignes, dont le village a été englouti et un barrage a été construit en 1952. J’apprécie les romans qui se servent de faits réels et les emmènent dans un autre monde, celui de la littérature.

Note : 4 sur 5.

« J’ignore à quel moment ceux du village ont compris que c’était plié, à quel instant précis cette certitude s’est dressée, brûlante, alors qu’elle avait si longtemps rampé dans leur cerveau, honteuse, une couleuvre – jusque-là, ils avaient envisagé le barrage comme on passe un œil furtif dans le trou d’une serrure, redoutant ce qu’ils allaient voir, et chassé aussitôt l’image inconcevable à l’arrière de l’occiput, où elle pesait –, et je ne sais pas non plus comment elle est parvenue à miner leurs espoirs, à démanteler leurs dénis, comment elle a durci en travers de leur conscience, irréversible : mais le fait est qu’ils ont su que tout allait disparaître, qu’il ne resterait rien. »

« De fait, être de Seyvoz, c’est avoir eu l’oreille formée aux volées des trois sœurs de Notre-Dame-des-Neiges, reconnaissables entre toutes, à l’instar d’une voix humaine. »

« Le lac a toujours cette apparence de mélasse, d’un bleu mat, radioactif, il aimante le paysage, l’engloutit dans son épaisseur liquide. Son trouble s’accentue, une inquiétude grandit, sans objet pourtant, si ce n’est la vision de cette eau dense, lourde, malaisante, une eau qui ne lui dit rien qui vaille. La voiture passe maintenant sous un paravalanche, longe des parois rocheuses menaçantes, parfaitement verticales, la route s’étrécit, monte et sinue, il faudrait sans doute redescendre vers la vallée mais le mouvement ascendant est irrésistible, Tomi accélère dans les virages, atteint un plateau qui offre une vue évasée sur le mur et le lac : le barrage de Seyvoz. »

« Le mur qui se dresse maintenant devant Tomi lui inspire ce même sentiment d’invulnérabilité et cette même folie – Seyvoz, un mur de fiction qui retient un lac d’artifice. »

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