Sandra, 40 ans, vit à Paris. Elle travaille en freelance pour un magazine. Elle vit sans trop se poser de questions sur l’avenir. Elle va d’homme en homme selon son désir. Une chose est sûre, elle ne veut pas d’enfant. Elle garde une terrible douleur en elle de la mort de son petit frère quand elle avait 10 ans et de la dépression dans laquelle sa mère est tombée par la suite.
Son meilleur ami s’appelle Romain. Il est marié à Marc. Cela fait des années qu’ils essaient d’avoir un enfant par le biais d’une GPA (gestion pour autrui) aux États-Unis. Leur parcours est difficile et très incertain. Romain se décourage. Il aimerait tellement devenir père. Alors un jour il demande à Sandra si elle voudrait être la mère porteuse de son enfant. Elle finit par accepter, un contrat est signé entre eux et elle touchera une rémunération chaque mois.
Je crois n’avoir pas encore lu de livre sur ce sujet fort intéressant, en plus traité du point de vue de la mère porteuse. Elle nous livre le flux de ses pensées. Elle fait face à des sentiments contradictoires. Elle pense qu’elle ne s’attachera pas à cet enfant qu’elle porte. Elle n’est qu’un « réceptacle », une femme enceinte mais surtout pas une mère. Tout cela évoluera au fil de la grossesse et elle finira par se poser les questions qu’elle avait évacuées au départ : Qui sera-t-elle pour cet enfant ? Faudra-t-elle qu’elle déménage et cesse de voir son ami ? Faudra-t-il rendre des comptes plus tard à l’enfant ? Est-elle en train de s’attacher ?
Peu à peu son corps change, les hormones s’activent, elle cogite et ce courrier administratif lui indiquant qu’elle va bientôt être mère la chamboule. On vit toute l’évolution psychologique du personnage, comme si elle se confessait. L’autrice sème des indices sur le dénouement de l’histoire mais la fin est inattendue. Un roman très fort découvert grâce aux 68 premières fois.
Incipit :
« Neuf mois et puis s’en vont. C’est ce que je m’étais dit : neuf mois et puis s’en vont. Sans conséquence aucune, si ce n’est le ventre qui fronce et la poitrine un peu plus affaissée – enfin, c’était inéluctable, de toute façon j’y étais déjà, au moins aurais-je connu un bonnet E.
Neuf mois et puis s’en vont. J’avais fini par y croire et la missive me cueille à la manière d’un uppercut.
« Dans cinq mois, vous allez être maman. »
Je titube, cherche une chaise à tâtons.
Je suis enceinte, je ne vais pas devenir mère. Je fais un enfant, je ne vais pas en avoir un ni ne l’attends ou alors seulement pour en être délivrée. Dans cinq mois, je vais accoucher, pas devenir maman. »
« Jusque-là les quelques relations sérieuses que j’avais pu avoir s’étaient toutes heurtées à l’écueil de l’enfant. Je ne voulais pas d’enfant. A partir d’un certain âge, plus vite que je ne l’aurais cru, les hommes qui auraient pu compter avaient pris la fuite à cause de ça. Non pas qu’il en ait alors été question ni même qu’ils en aient désiré vraiment – « Pas forcément, pas maintenant en tout cas » –, mais le fait que moi je n’en désire pas paraissait suspect, voire monstrueux. Contre nature. Une insulte à leur ego et à leur appréhension du monde. Alors les mêmes qui auraient pris leurs jambes à leur cou si j’avais été demandeuse fuyaient justement parce que je ne l’étais pas et assurais que je ne le serais jamais. »
« J’avais grandi avec la conscience que les enfants peuvent mourir, les mères leur survivre et en devenir dingues et j’en avais tiré la seule conclusion qui s’imposait : je ne serais pas mère. »
« Romain ne savait pas plus que moi comment s’y prendre pour vivre, mais au moins s’y employait-il de toutes ses forces. »
« Ce jour-là, quelque chose change. Les pulsations – si vives, si confiantes (c’est absurde, voyons) – me donnent une tout autre idée de l’ampleur de ce que nous avons enclenché. Quelque chose s’est mis en branle, et j’ai beau ne pas en être la dépositaire, seulement un viatique, je n’en suis pas moins partie prenante. Et peut-être un jour me faudra-t-il rendre des comptes. »
« – ça aussi, oui. Non, mais j’ai surtout peur qu’il ne nous arrive un malheur et de laisser un orphelin.
Je tique. L’impression d’entendre ma mère Avant l’accident, avant de tomber en dépression, elle était une femme joyeuse mais d’une joie teintée de mélancolie, de l’intuition particulièrement aigüe de la fragilité de toute chose. C’est la maternité, répétait-elle à qui voulait l’entendre – et qu’importait que ses enfants soient dans les parages –, c’est la maternité qui m’a fichu le bourdon et rendue craintive. […]
Oui, toute aimante et joyeuse qu’elle avait été avant l’accident, déjà ma mère me transmettait l’idée que la maternité était synonyme de peur et de repli sur soi plutôt que de dépassement. Ça avait été de pire en pire, jusqu’à ce que son cœur cesse de battre. »
« Je rapporte le tout chez moi et tasse l’ensemble dans un placard. Que je ferme à clef. Si seulement je pouvais faire de même avec mes pensées. »
« Mais quand la mère, elle, ne peut pas prétendre occuper sa place, que fait-on ? Hein ? Il faudrait peut-être songer à réécrire tous les manuels à l’aune des nouveaux modèles familiaux. J’ai bien fait de mettre ces livres à la poubelle, bullshit. Qu’aurais-je pu y trouver de toute façon ? Qu’aurais-je pu y trouver qui me concerne ? Note pour plus tard : regarder sur le Net s’il existe des manuels rédigés par des mères porteuses »