Le début du livre est écrit avec des phrases courtes, sèches. J’ai eu un peu de mal à entrer dedans. Camille Kouchner donne d’abord des éléments pour comprendre qui sont les membres de sa famille et la période où elle a grandi.
La familia grande c’est la famille mais aussi les amis qui gravitent autour de leur beau-père adoré et qu’ils retrouvent chaque été dans la propriété de Sanary. Ajoutez à la libération des mœurs une mère qui leur dit de ne surtout pas porter de culotte et vous obtiendrez une ambiance malsaine.
Il y a eu plusieurs suicides dans sa famille. Lorsqu’elle pense pouvoir parler de celui de son grand-père avec sa mère, elle se heurte à un mur de silence.
« La parole libérée, c’est pour mieux saisir l’autre, non ? Tout se dire, toujours se parler ; c’est pour la vérité, la proximité. Etre proche de soi et de ceux que l’on aime. Si l’on se parle tant, si on refuse de s’enfermer dans des simagrées, c’est bien pour pouvoir dire la peur, la culpabilité, la tendresse ou la solitude et même, parfois, la tristesse, non ? Et moi, est que j’en ai le droit ?
[…] Le choc du suicide. La violence du geste quand on a 10 ans. La peine, sans doute. J’apprends à me taire. »
Puis sa grand-mère maternelle se suicide quand Camille a 12 ans. Cet événement douloureux plonge sa mère, Evelyne Pisier, dans un état dépressif. Depuis, Camille a peur de tout sans raison. Elle pense qu’un drame va encore surgir.
« Je ne me suis pas trompée. La vie, nos vies se sont arrêtées là. Dans le regard de ma mère, pour moi, plus rien, plus jamais. Le jour où ma grand-mère s’est suicidée, c’est moi que ma mère a voulu tuer. L’existence de ses enfants lui interdisait de disparaître. Nous étions sa contrainte, son impossibilité. Le jour où j’ai perdu ma grand-mère, j’ai perdu ma mère. A jamais. »
C’est à la moitié du livre qu’elle raconte non pas l’inceste mais la demande de son frère de garder secret l’inceste. Il n’y a aucun voyeurisme dans ce livre. Uniquement les sentiments, la douleur, l’incompréhension de Camille et de son frère jumeau, puis de leur grand frère Colin.
Car ce secret, ils l’ont gardé longtemps, jusqu’à ce qu’ils sentent le danger approcher de leurs enfants et neveux. Alors ils ont décidé d’un commun accord de parler malgré toute la culpabilité qui les rongeait. Mais leur mère n’a pas voulu les croire et c’est peut-être ça le plus dur dans cette histoire. Leur mère a préféré rester avec « son mec », elle, une féministe, une intellectuelle. Celle qui devait les protéger a fermé les yeux. Quant à leur père, il brille par son absence.
Dans ce récit douloureux, j’ai senti la petite fille blessée en quête de réponse et surtout de sa mère qu’elle aime par-dessus tout et malgré ce qui s’est passé.
Ce livre brisera certainement des silences, comme celui de Vanessa Springora. Mais à la différence de cette dernière, ne cherchez pas de qualité littéraire au texte de Camille Kouchner. Prenez-le pour ce qu’il est, un témoignage courageux. Regardez également l’émission de La Grande Librairie pour mieux comprendre sa démarche et vous ne pourrez qu’être ému par cette femme incroyable.
Un avis sur « La familia grande / Camille Kouchner »