Charlie, un ado, nous raconte les tremblements de terre de sa famille. Le premier est arrivé pendant son année de 4ème, sa mère avait organisé des vacances dans un camping à Noirmoutier. Un soir, dans la tente, son père leur a dit sa « dysphorie du genre », sa « transidentité » ou son « trouble de l’identité de genre ». Sa mère et lui n’y comprenaient rien alors il leur a dit : « Je suis une femme. A l’intérieur, une vraie. Ce n’est vraiment pas grave. Je t’aime. Je vous aime. Mais je n’ai jamais été un homme. »
Après ce séisme, il découvre le secret de son père. Les perruques et les robes cachées dans le garage. Au début, Charlie ne supporte plus son père, ses mensonges sont durs à avaler. Et toute l’attention est tournée vers son père. Il monopolise la parole. « Mon père me volait ma crise d’adolescence sans trembler. »
Puis son père annonce sa transition à son entourage, ses collègues. Il enchaîne les rendez-vous médicaux et psychologiques, jongle avec des traitements aux effets secondaires. « Chez nous, la secousse a duré deux ans. »
Au collège, tout allait bien jusqu’au jour où son père est venu le chercher sans prévenir, avec sa perruque. C’est le début des moqueries puis du harcèlement. Charlie se réfugie au CDI, décroche et est déscolarisé. Ensuite c’est sa mère qui explose et décide de partir habiter un temps chez sa sœur, Rita, avec Charlie.
« Il y a deux sortes de gens affreux dans la vie. Les gens qui ont un avis sur tout. Et les gens qui tendent la main à tous sauf à ceux qui en ont besoin. Rita et Jo, c’était la combinaison hypocrite des deux. »
Charlie nous donne des repères avec les numéros de nuits qui ont suivi le premier tremblement. Désormais il essaie d’utiliser le pronom « elle » quand il parle de son père et de mettre au féminin tout ce qui se rapporte à lui.
« Nuit 404, mon père rentre du travail effondrée. […] Mon père a été virée du laboratoire après avoir annoncé sa vaginoplastie. […] Avec le licenciement de mon père, mes parents n’ont pas eu d’autre choix que de financer l’opération de réassignation. »
Puis vient le jour de l’opération. Charlie se pose des questions, toujours et encore. Auront-ils toujours des passions communes après cette ultime étape ?
« Dans 4 heures, Papa aura disparu.
Une mort, pas vraiment.
Une absence pour toujours. »
« Papa.
Est-ce que je pourrai encore l’appeler comme ça ? »
Le roman alterne entre les moments au présent, pendant l’opération chirurgicale, et les souvenirs de Charlie. Dans la salle s’attente, il rencontre Marin(e), une jeune femme qui aborde sa transition pour être un homme. Ils discutent et Marin lui dit qu’on ne peut pas « préjuger du genre des individus » que l’on rencontre. Il faut les laisser se présenter.
« Avoir un parent trans, faut que tu saches que c’est une chance. T’as une alliée pour l’éternité. Parce que ton reup a l’expérience des corps, elle te guidera. Quand c’est l’enfant qui transitionne, c’est la rupture : notre corps, celui des autres. » Les parents se trouvent démunis, surtout avec les garçons trans, car l’espoir d’avoir des petits-enfants s’efface.
Les chapitres sont courts et s’enchaînent. Avec cette voix d’ado sincère, on va à l’essentiel, sans détour, c’est captivant. Dans ce roman, on apprend beaucoup de choses, même si, comme le dit Julien Dufresne-Lamy à la fin de l’ouvrage, il n’y a pas de réalité ou de parcours unique. Chaque transition est différente. L’histoire de cette famille est touchante. Les personnages sont attachants. L’auteur nous montre ce combat de tous les jours pour être différent mais surtout être soi. Après toutes ces épreuves et doutes, ce qui triomphe au final c’est l’amour de cette famille. C’est tout simplement beau. Merci pour ce texte et d’avoir donné une voix à une minorité.
Je vais enchaîner avec la lecture de « Jolis jolis monstres », son précédent roman sur la culture drag qui a reçu plusieurs prix.
L’avez-vous lu ?