Ce premier roman raconte la chute d’un quadragénaire, Antoine, directeur général d’une agence de publicité parisienne. Les chapitres alternent entre « Dedans » (dans l’hôpital psychiatrique de Ste-Anne où il rend visite au frère d’un ami d’enfance), « Dehors » (sa vie à l’agence, avec sa famille et ses amis) et les « gingembres ». Christophe Perruchas explique en préambule que le gingembre dans la cuisine japonaise traditionnelle sépare les plats et « permet au palais de retrouver une certaine virginité entre deux saveurs. […] Ici, les gingembres voudraient faire la même chose, mais, bien sûr, n’y parviennent pas. »
Nous sommes en pleine vague MeToo. Antoine reçoit la visite d’un inspecteur du travail. Il mène une enquête pour harcèlement moral suite à une tentative de suicide de la directrice commerciale, Léa, 32 ans. Pendant cet entretien, Antoine va fixer l’inspecteur du travail, le déshabiller du regard. Chaque femme qu’il croise dans la rue ou en réunion, il la détaille physiquement, décrit au lecteur ses fantasmes. C’est un homme de pouvoir, obsédé et totalement dans le déni de son attitude perverse.
« Il n’y a pas de harcèlement ici et il n’y en aura pas. On règle les choses entre gens civilisés, on trouve des solutions humaines. »
Au début, son patron le soutient :
« Je te connais Antoine, je sais comme tu peux être lourd en fin de soirée, comme tu aimes les femmes, comme tu te sens bien dans l’ambiguïté. Mais de là à t’accuser de harcèlement, au pire, une vanne toute naze, qui tombe à plat, on n’est plus en 95, parfois ça passe mal. Mais harcèlement, non. »
Il a une femme et deux enfants, une vie très instagrammable. Mais peu à peu il sent qu’il se déconnecte du monde qui l’entoure et n’écoute que la voix dans sa tête. De l’extérieur, personne ne remarque ses absences. Il sait donner le change lors des réunions. Il y a beaucoup d’anglicismes et de jargon liés au métier d’Antoine, surtout lorsqu’il se rend à un salon professionnel ou un séminaire. Le monde de l’entreprise et le milieu de la publicité en prennent pour leur grade. Christophe Perruchas est d’ailleurs issu de ce milieu.
Antoine entretient une relation avec sa secrétaire qui n’arrive pas à croire les choses horribles qu’on raconte sur lui. Il lui répond que tout est faux et disproportionné.
« L’époque est pourrie, on ne peut plus rien dire, même les écrivains sont emmerdés, scrutés, jaugés, tu sais qu’il existe des sensitive readers, des lecteurs des minorités qui lisent à la chaîne et qui font des rapports »
Les chapitres s’enchaînent et on se laisse happer par l’histoire de ce prédateur sexuel. Après avoir refermé le livre, je ne saurais vous dire si j’ai aimé ce livre ou pas. J’ai certainement été perturbée de me retrouver dans le flot continu des pensées obsessionnelles de sexe de ce personnage antipathique. Un roman intéressant, dérangeant, bien écrit, mais pas un coup de cœur pour moi. En tout cas il sonne juste et ça n’en est que plus troublant.
Merci aux 68 premières fois pour cette lecture.
Un avis sur « Sept gingembres / Christophe Perruchas »