Je suis cette auteure depuis son premier roman en 2004, « Kiffe kiffe demain », que j’avais beaucoup aimé. Les primo-romanciers ont souvent la pression avec la sortie d’un deuxième roman. Et je dois dire que Faïza Guène m’embarque à chaque nouveau roman. Elle a un style particulier, presque parlé mais tout en restant bien écrit, et de l’humour ou une certaine autodérision pour parler de sujets difficiles.
Dans ce nouveau roman, les chapitres alternent entre deux temporalités : la vie de Yamina, née à Msirda en Algérie en 1949 et la vie de Yamina aujourd’hui à Aubervilliers.
Yamina a vécu une enfance difficile, pauvre. Son père, résistant, était parti au combat. Elle aurait voulu aller à l’école et étudier mais son père avait besoin d’elle pour subvenir aux besoins de la famille. Alors elle s’est occupée de ses petits frères, du jardin collectif et elle a été couturière. Jusqu’à ce que son père se résolve à la marier avant qu’elle ne deviennent une vieille fille.
Elle est mariée à Brahim, un homme qu’elle ne connaît, plus âgé qu’elle qui a émigré en France pour y travailler (mines, chantiers). La voilà donc séparée de sa famille, de son père qu’elle admire et de sa terre. Son arrivée en France n’a pas le goût de paradis. Ils vivent dans des immeubles insalubres mais elle ne se plaint pas.
C’est le portait d’une femme forte et courageuse mais qui restera discrète toute sa vie. Yamina veut que ses enfants réussissent, qu’ils ne manquent de rien. Elle a quatre enfants, trois filles et un garçon.
Omar est le petit dernier. Il est chouchouté par sa mère. Il est chauffeur VTC, habite toujours chez ses parents à 30 ans. Au fur et à mesure du roman, on découvre les 3 filles également, Malika, Hannah et Imane. On ressent le poids de la culture des parents sur les enfants. Leur peur de décevoir leurs parents. Pourtant, aucun des quatre n’a mal tourné. Le père est un bon mari, il n’est pas violent. La religion est aussi un thème évoqué dans le livre.
Un roman où il est question de transmission, de liberté, d’intégration. Comment toute une génération d’enfants français issus de parents immigrés tente de trouver sa place dans la société. Ils ne se sentent nulle part chez eux. La mère leur transmet toute sa colère contenue en leur disant de rester discrets lors de toutes les petites humiliations vécues au quotidien. Cette colère ressortira chez Hannah.
J’ai beaucoup aimé la façon dont Faïza Guène raconte l’histoire de cette famille, son intimité, avec une part certainement autobiographique. En tout cas un bel hommage. J’ai bien aimé également le regard tendre entre le mari et la femme : les petites attentions de Brahim, le jardin familial, les « Benti ». J’ai ressenti tout l’amour de Yamina pour ses enfants, mais aussi tout l’amour et le respect des enfants pour leurs parents. Il y a de très beaux passages sur l’enfance de Yamina en Algérie.
Un très beau roman qui m’a touchée et dont je vous conseille la lecture.