Je vais bien / Régis Franc

L’auteur relate un drame qui a profondément marqué sa famille, la mort de sa mère des suites d’un cancer alors qu’il avait 8 ans. Son père était en train de finir de construire leur maison, la maison dont rêvait sa mère, celle qui devait la guérir par miracle. Mais elle mourut quelques jours avant et n’a pas pu y vivre.

L’histoire est narrée du point de vue du fils. Il raconte ses souvenirs d’enfance mais aussi la façon dont il a perçu cette époque. Il parle aussi de ses relations avec son père, des visites qu’il lui rend au « chenil », la maison de retraite qu’il nomme ainsi avec humour.

C’est un livre qu’on pourrait aussi associer au thème de transfuge de classe. Le fils vit à Londres. Il a une situation confortable et avoue avoir toujours voulu sortir de la condition sociale de son père, ouvrier. Il y a une totale incompréhension entre les deux hommes.

Les phrases sont simples et sobres. Elles retranscrivent les émotions vécues, l’histoire familiale dans la grande Histoire.

J’ai trouvé ce roman autobiographique d’une tristesse infinie. J’en suis ressortie déprimée. Autant vous dire que je ne vous recommande pas cette lecture, sauf si vous aimez les témoignages plus que poignants, douloureux.

Note : 2.5 sur 5.

Incipit :
« C’est arrivé d’un seul coup. Comme une apparition. Il se peut que, sidéré, je me sois exclamé à voix haute : « Oh mon Dieu… » J’eus l’impression de traverser le miroir. Oui, il était là, dans le reflet de l’imposante vitrine du magasin vers lequel je me hâtais comme tous, au passage piéton, dans la foule de Brompton Road. Il venait, j’allais vers lui. Un léger effroi m’a saisi. « Eh bien, nous y sommes », ai-je murmuré. Car ce mirage dans la vitrine, cet homme engoncé dans mon pardessus, mon cher vieux manteau usé de Muji, fabricant japonais, n’était plus moi. Ou l’idée que j’avais de moi, je veux dire ce type qui habitait mon corps et que, vaille que vaille, toujours un peu agacé, je m’étais, avec le temps, habitué à côtoyer. Désormais je marcherais, je le voyais bien, de ce pas chaloupé. Mains calées au fond des poches ? Regardant sans rien voir, confit dans une sorte de méditation hasardeuse puisque ainsi il chemina tout au long de sa vie. A mon tour, j’irai de ce pas. Un pas dansant. Même taille, même tête, j’étais devenu lui. Lui, « Bataillé »… Je n’ai pas trouvé là une nouvelle qui puisse me réjouir. Jamais, oh je le jure, je n’ai voulu ressembler à mon père. Si bien que, face au miroir, pris dans le flux des Londoners, je me suis rappelé ce commentaire trouvé je ne sais où à propos de tribus primitives, de leurs rituels. Pourquoi enterraient-elles leurs morts sous un tas de pierres ? La réponse m’avait fait sourire : Pour qu’ils ne se relève pas. Mort en paix, et depuis enfoui sous la terre, mon père relevé était là, il habiterait désormais mon manteau. Bon. Il me faudrait faire avec… »

« Nous fûmes deux enfants presque noyés, remontant terrifiés du plus profond de la mer vers la lumière, uniquement occupés à retrouver l’air libre. Afin de respirer. Nous n’avions pas eu, durant ce terrible voyage, la force de nous hisser l’un l’autre, de nous parler, de nous consoler. Voilà. Survivre. « Tu exagères », m’aurait-elle dit. »

3 commentaires sur « Je vais bien / Régis Franc »

Laisser un commentaire