La Pire Amie du monde / Alexandra Matine

Cyr, 35 ans, apprend coup sur coup deux mauvaises nouvelles. Son meilleur ami vient de mourir dans un accident de plongée en Thaïlande. Celui pour qui elle n’avait pas hésité une seconde à quitter Paris et à trouver un boulot à Amsterdam pour le suivre, rester près de lui. Puis elle se fait virer, l’agence lui conseille « d’explorer son potentiel », c’est une opportunité pour elle de faire autre chose, de s’épanouir ailleurs.

Elle ne trouve de réconfort qu’en montant des meubles Ikea. Cette activité lui permet de se concentrer et d’oublier, un temps, la mort brutale de son meilleur ami.

La narratrice s’adresse à son meilleur ami, comme s’il était encore là. Elle lui raconte ses états d’âme. Elle se compare à sa copine, Maud. On la sent jalouse, autocentrée sur son chagrin. Il faut dire qu’elle a déjà eu son lot de deuils. Sa sœur est morte dans un accident puis sa mère. Elle se retrouve seule, sans famille. Elle raconte des bribes de son enfance. On sent que sa mère n’a pas su l’aimer ni s’occuper d’elle, qu’elle lui préférait sa sœur.

Cyr raconte aussi sa difficulté à se faire des amis. Alors elle traînait avec sa sœur et sa bande de copains, un peu plus jeunes qu’elle. D’ailleurs elle reprend contact avec certains d’entre eux en arrivant à Paris pour l’enterrement. A Paris, Sam l’accueille et lui prête son appartement. C’est lui qui était parti en Thaïlande avec son meilleur ami pour des vacances sportives.

L’histoire tourne un peu en rond, puis Cyr enchaîne bêtise sur bêtise. Elle devient imprévisible. On la somme de grandir, de devenir responsable. Elle cherche un sens à sa vie. Et surtout elle se trouve devant une page blanche alors qu’elle doit écrire un discours pour l’enterrement de son meilleur ami.

Alexandra Matine a le sens de la formule. Elle alterne humour et cynisme, insère des mots en anglais, utilise un ton familier, plutôt jeune. Elle analyse et retranscrit très bien les sentiments, les relations entre les personnes. Son anti-héroïne est obsédée par le regard ou le jugement des autres sur une amitié (impossible) entre un homme et une femme.

Ce second roman fait 321 pages, il aurait peut-être gagné en qualité avec quelques coupes. En tout cas, j’ai aimé retrouver l’écriture d’Alexandra Matine que j’avais appréciée dans son premier roman, « Les grandes occasions ». La façon dont elle traite les thèmes du deuil et de l’amitié est intéressante. La fin est totalement bouleversante et en même temps très belle.

Pour moi, un livre des Avrils est toujours synonyme d’un bon moment de lecture.

Merci à Babelio et Les Avrils pour cette lecture

Note : 4 sur 5.

Incipit :
« Je me suis fait virer parce qu’un jour, j’ai dit que j’étais malade pour ne pas venir bosser, et je me suis fait gauler. Ça ma surprise. Qu’ils utilisent cette excuse, je veux dire. Surtout que c’est eux qui, au début, m’avaient proposé de ne plus venir. « Prends tout le temps dont tu as besoin. » « On couvrira pour toi. » « Ne t’en fais pas, on est une famille. » Genre, super empathiques. Et puis j’imagine qu’ils ont perdu patience. Peut-être que j’ai poussé un peu aussi. On aurait dû se mettre d’accord dès le début sur le sens de « tout le temps dont tu as besoin ». Parce que moi, honnêtement, j’avais décidé que je ne m’en remettrais jamais. Après tout, c’était sans doute une bonne chose qu’ils me virent. J’étais devenue comme un serial killer qui veut se faire attraper par la police et qui bâcle exprès. »

« Mon chagrin est une vague infinie qui lape les plages de Thaïlande sans jamais étancher sa soif. »

« Je cherche ton ombre dans le royaume des vivants, ton souvenir dans le présent, tu n’es nulle part. »

« Ce sentiment que je ne connaissais pas et que tu m’ouvrais ce soir, c’était la sécurité. C’est pas le truc des contes de fées, la sécurité, ça fait pas passion, ça fait pas ardent, ça fait pas dévorant. Mais j’avais déjà vécu assez de choses ardentes et dévorantes, assez de choses qui donnent envie de mourir. J’ai senti ce soir-là que je pourrais à nouveau être heureuse. Parce que tu n’essayais pas de m’embrasser quand tu te penchais vers moi, parce que tu revenais quand tu partais. »

« Le chagrin est une montagne, un pli entre deux plaques tectoniques, qui croît et s’érode en même temps, mais qui ne disparaît jamais. »

« Avec une grosse cuiller métallique, il pêche une boule de fromage dans l’eau laiteuse. Il la glisse dans un sac en plastique comme ma tortue, Framboise, à la fête foraine. Quand il me le rend, la burrata est lourde et froide comme mon cœur. »

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