Ben est issu du quartier de la Brousse à Belleville, un de ceux qui s’enflamment en 2005 lors des émeutes des banlieues. Il tente de rassembler les quartiers de ces banlieues oubliées par les politiques des villes. Il essaye avec des mots d’exprimer la colère ressentie. On sent le rythme du slameur, rappeur et poète dans ce texte. Une bande-son se trouve d’ailleurs au début du livre.
Il a quitté ce quartier pour faire des études, pour s’en sortir. Ses parents ont divorcé et sa mère est atteinte d’un cancer. Il ressent beaucoup de difficultés à aller la voir.
Ben s’installe à Paris avec Oriane. Il raconte sa vie de couple, leur amour et aussi parfois les mots qui leur manquent pour l’exprimer. Ils s’éloignent puis se rapprochent à nouveau. Oriane part en mission humanitaire. Ben s’engage dans son quartier d’enfance, cherche sa place.
Son amitié avec deux camarades d’université, le Serbe et le Corse, est un élément important du livre. L’un d’eux trempe dans un trafic de drogue dans lequel Ben investit un peu d’argent. Puis Ben fait un tour en prison et raconte le quotidien en taule, les combines pour l’améliorer.
Un premier roman sur la condition sociale des cités, les oubliés du système politique. Une lecture que j’oublierai assez vite malheureusement, certes agréable à lire, mais qui ne m’a pas touché. Il m’a manqué un petit quelque chose. Certainement que l’écouter en lecture à voix haute doit rendre le texte plus puissant.
Incipit :
« Je suis de la génération des émeutes de la faim, des guerres d’Irak, de la chute du mur de Berlin.
De la génération du pétrodollar, des tours jumelles et du tiers-monde, des grands patrons, des vrais pauvres et des fonds de pension.
Des vitres blindées, des capotes, du Sida.
Des cartes Sim et des sonneries polyphoniques.
Des suicides collectifs, des combats à mains nues,
Des écrans plats et des massacres à la machette.
Des ordinateurs de poche, des centrales nucléaires,
Des espèces en voie de disparition et des balles en caoutchouc. »
« La Brousse. 1990.
Je porte le même jean Levi’s à peu près toute l’année. C’est plus une question d’habitude que de style. J’ai jamais vraiment eu de style. Comme je suis blanc, je suis rarement retenu plus de deux minutes pour un contrôle d’identité. J’ai un physique passe-partout et la plupart des profs ont toujours eu du mal à se rappeler mon prénom.
Je m’appelle Ben. Une seule syllabe qui en appelle d’autres. Tous mes potes m’appellent Benji. Ma mère m’appelle chéri. Mon père m’appelle rarement. J’ai 14 ans et le quotidien monotone d’un collégien de banlieue. Les cours, quelques galères, et beaucoup d’ennui. Rien d’exceptionnel. Je suis plutôt petit pour mon âge, je n’ai d’envergure que dans mes rêves. Mon corps menu devient celui d’un géant lorsqu’il se pose dans l’Odysseus aux côtés d’Ulysse 31. Rien ne me destine à devenir le leader de la révolution qui va demain embraser la France. »
« Je vais avoir 22 ans et je n’ai jamais vu la Tour Eiffel de près. Rien d’inédit pour un mec de banlieue. Au-delà du périphérique, ce sont les terres du Mordor, un monde mystérieux et inaccessible. »
« J’ai pris le RER et je suis allé boire un dernier café avec monsieur Saadi. Je le remercie pour les levers de soleil que nous avons partagés. Il me répond de son sourire tranquille :
– Faut pas être en colère.
Ses yeux couleur espoir me transpercent. Je lui mens en lui disant que je ne le suis jamais. Mais sur le chemin du retour, j’ai compris que ce n’était pas un conseil qu’il me donnait. Et encore moins un service qu’il me demandait. Simplement la maxime qui lui avait permis de trouver la paix. »
« On attend.
On attend la douche. On attend la promenade. On attend qu’il se passe quelque chose. Il ne se passe jamais rien. Même pas une petite bagarre. Même pas un petit coup de couteau. Dehors, le monde fantasme la vie carcérale, mais nous survivons dans un hôtel sans étoiles, avec son ennui infini, ses nuits de demi-sommeil et ses écrans plats. Et le ciel qui nous nargue. Ça fume du shit et de la beuh de partout. Les matons le savent bien, une prison qui fume est une prison qui dort. Alors on dort beaucoup. On sort juste de nos cellules pour jouer au foot, ou pour récupérer des livres à la bibliothèque. J’ai ramené Si c’est un homme de Primo Levi à Alix, j’avais envie de lui faire découvrir ce manifeste de vie, ce récit puissant, poétique, nécessaire, qui avait durablement marqué mes années d’étudiant à la Sorbonne. »
« Devant la Brousse, un cordon de CRS est à l’affût. C’est le cas pour la plupart des quartiers de France. Des cadenas posés sur des portes qui menacent de craquer, car derrière, des masses de colère s’y agglutinent, prêtes à les enfoncer. »
« Il parle de voyoucratie, car c’est encore et toujours une histoire de mots. Mais la France a la mémoire sélective. Impensable de nommer tout ce qu’on a choisi d’oublier : la misère et l’abandon, l’insalubrité et la stigmatisation. On ne s’intéresse toujours pas aux origines de la violence. On se rattrape aux fils du sensationnel et à la puissance des images. Un jeune cagoulé qui jette une bouteille enflammée fait plus kiffer qu’une mère de famille qui se détruit la vie pour remplir des ventres vides. »
Un avis sur « Les mots nus / Rouda »