Le roman se déroule en 1835. Gus se trouve sur l’île Eldey, au sud-ouest de l’Islande. Il est chargé par le Musée d’histoire naturelle de Lille de ramener un spécimen de grand pingouin pour l’étudier. L’espèce est en voie de disparition. Gus sauve un pingouin d’un massacre et l’emmène avec lui en Écosse. Peu à peu il se prend d’affection pour l’animal et se surprend à le comprendre. Il l’emmène tous les soirs à la plage et le laisse se mouvoir dans l’eau, un fil attaché à sa patte. Ce pingouin, qu’il appelle Prosp, l’amène à se poser beaucoup de questions et à remettre en questions ses pratiques scientifiques. Et s’il était face au dernier pingouin ?
Le roman interroge le lecteur. Et vous, que feriez-vous si vous aviez le dernier spécimen en face de vous ?
La lecture de ce roman donne terriblement envie d’adopter un pingouin ! Enfin il reste tout de même l’odeur à supporter ! Trêve de plaisanteries, ce roman est surtout touchant et il réussit à nous questionner tout en nous ravissant par la plume de l’autrice, très agréable à lire. Sans conteste, il s’agit d’un très bon roman de la rentrée littéraire 2022 qu’il serait dommage de manquer.
La rencontre VLEEL m’a également donné envie de lire un récit publié par Sibylle Grimbert en tant qu’éditrice des éditions Plein jour, celui de Joanna Burger, « Le perroquet qui m’aimait » où elle raconte sa relation avec son animal de compagnie. Ce sera une de mes prochaines lectures.
Incipit :
« De loin, seule la tache blanche de leur ventre se détachait sur la paroi de la falaise, surmontée d’un bec qui brillait, crochu comme celui d’un rapace, mais beaucoup plus long. Ils avançaient en balançant de droite à gauche ; on avait l’impression qu’ils prenaient leur temps, vérifiaient à chaque pas leur stabilité, et qu’à chaque pas ils rétablissaient leur corps par un roulement du bassin. »
« – Auguste, vous n’avez pas été choqué quand vous avez vu les marins tuer toute la colonie ?
Son ton grave produisait un effet légèrement accusateur. Pourquoi Gus aurait-il été choqué ? Les hommes mangeaient les bêtes, les bêtes mangeaient d’autres bêtes, c’était la loi du monde. Et pourtant, quelque chose le dérangeait, le souvenir d’une panique, le plaisir des hommes, la vulgarité du massacre, la vision d’un pingouin qui protégeait son œuf et était écrasé par une pierre. C’était vrai : Gus ne s’était pas posé de questions, il avait tout vu comme en rêve. Ou non, peut-être avait-il baissé les yeux, ou regardé de biais, d’abord les planches de la chaloupe, puis la plage, puis les planches encore. »
« Gus ne voulait plus penser à l’avenir de l’espèce. Son pingouin était juste un animal domestique original, une marque d’excentricité que ses étudiants admiraient et, bien sûr, son camarade. Il n’y avait pas de solution à la disparition de son espèce, un événement si grave, si colossal que mieux valait ne plus y penser et se contenter de vivre. C’était d’ailleurs pourquoi il s’occupait de flore désormais. Perdre une pâquerette lui semblait moins dramatique que la fin d’un être vivant, avec une voix et des sensations. »
Un avis sur « Le dernier des siens / Sybille Grimbert »