L’homme des bois / Pierric Bailly

Pierric Bailly raconte la mort de son père, retrouvé mort en forêt, chacun y va de son hypothèse, s’est-il suicidé ? L’affaire est classée en mort suite à une chute accidentelle. Il essaie de comprendre, de reconstituer les dernières heures de son père. Il brosse le portrait d’un homme mais aussi d’une région, le Jura, et d’une génération de travailleurs sociaux, de militants.

Il raconte l’organisation de l’enterrement, sachant que son père ne voulait pas de cérémonie religieuse et avait des volontés bien précises. Pierric se retrouve dans l’appartement paternel, il tri les nombreux dossiers constitués par son père. Toute une vie se trouve dans ces murs et sur ces étagères.

« En reprenant l’avis de décès pour le journal, après les fleurs des champs et des jardins, j’ai ajouté : Sans chiens ni curés. C’est sorti tout seul. J’ai envoyé le texte par mail, il a été publié le lendemain.
Les semaines suivantes, j’ai reçu plusieurs courriers de prêtres qui s’étaient interdit d’assister aux obsèques. J’apprenais aussi qu’on s’offusquait du fait que les chiens passent avant les curés. Je n’avais pas imaginé une seconde qu’on pourrait le prendre au premier degré.
Si un curé ou même un chien avait voulu assister à la cérémonie, je l’aurais accueilli bien volontiers, pensez-vous. Un labrador catholique. Toute l’arche de Noé. Un chamois musulman, une marmotte juive… Oh là là, mes aïeux, quelle affaire. »

J’ai aimé l’écriture de Pierric Bailly. Je me suis laissée portée par son récit sobre, pudique et juste, non dénué d’humour. J’avais un peu l’impression d’être en tête à tête avec lui, qu’il me raconte cet événement tragique qui le touche, confessant ses émotions, ses états d’âme et se souvenant de son enfance aux côté de cet homme. Un cheminement vers le deuil en quelque sorte. Un récit poignant dans lequel l’auteur dessine un portrait tendre et bienveillant de son père.

Il décrit très bien le Jura, ses paysages et ses habitants. On a l’impression d’y être.

Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec le roman de Thomas Flahaut, « Les nuits d’été », qui se déroule dans le Jura, plus précisément à la frontière suisse.

J’ai emprunté ce livre en attendant de pouvoir lire celui que je vois passer sans cesse sur Instagram et dont je ne lis que des éloges, « Le roman de Jim ». J’ai hâte de le lire !

Ce roman a obtenu le prix Blù Jean-Marc Roberts en 2017.

Note : 4.5 sur 5.

« La série de David Lynch est souvent mentionnée pour parler du Jura. Les forêts de sapins, les scieries, les grumiers (ces camions qui transportent les troncs coupés), le parallèle est évident. Mais la comparaison vient toujours d’un regard extérieur. Moi-même, il m’a fallu quitter le Jura pour que l’endroit où je suis né et où j’ai passé les vingt premières années de ma vie m’évoque quelque œuvre de fiction. Avant ça, c’était chez moi, c’était chez moi donc cela ne se discutait pas, cela ne se comparait pas, cela ne se décrivait pas. Ça n’avait pas besoin d’être raconté, ou pire, critiqué, puisqu’il n’y avait que ça. C’était le seul endroit possible, puisque c’était là que je vivais depuis toujours. C’était le seul endroit que je connaissais. C’était le centre du monde, ni plus ni moins.

Il m’a fallu prendre mes distances pour me rendre compte qu’on pouvait ne pas savoir situer mon petit département sur une carte, et même ne pas savoir qu’il existe. Qu’on pouvait manger de La Vache qui rit sans savoir qu’elle est fabriquée à Lons-le-Saunier. Qu’on pouvait chanter la Marseillaise sans savoir que Rouget-de-Lisle, son auteur, y est né. Tout comme mon père et ses sept frères et sœurs. »

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