Je rouille / Robin Watine

Noé passe l’été entre la plage avec Léna et le restaurant de son père où il travaille comme serveur pendant les vacances. Léna, c’est une parisienne, une bourgeoise. Elle est belle, cultivée, intelligente, sûre d’elle. Elle est à l’aise contrairement à lui. Elle le trouve beau. C’est son amour de vacances. Il s’étonne et s’émerveille de la trouver à côté de lui, à lui sourire. C’est leur avant-dernière journée ensemble. Léna repart bientôt chez elle pour la rentrée.

Il y a le groupe de 4 filles, parisiennes. Et celui des 4 garçons du coin. Ils se retrouvent le soir au bar de la plage puis autour d’un feu. La différence de condition sociale entre les filles et les garçons est très marquée.

Noé est amoureux mais n’ose pas avouer ses sentiments de peur d’être moqué et que ce ne soit pas réciproque. Pas toujours évident de se comprendre entre garçons et filles. Et puis le dernier jour des vacances, un événement le bouleverse davantage.

On se retrouve plongé dans les pensées d’un ado qui doute beaucoup. Il pense souvent au sexe. Il fume du shit. Il boit beaucoup avec ses potes. L’un d’eux, Lionel, le pousse dans des plans qu’il n’approuve pas mais il n’ose rien dire. Il a toujours l’impression d’être dans un rôle. Il se rend compte qu’il grandit.

Le titre est explicité dans le roman. Léna lui demande s’il ne voudrait pas aller ailleurs et ne pas « rouiller » sur place. Avec un langage ado, nerveux, tourmenté, parfois cru, ce court roman de 150 pages est bien écrit. Je l’ai dévoré. J’ai trouvé qu’il a une voix unique et particulière.

Je me demandais comment ça allait se finir, j’avoue avoir été un peu déçue par la fin mais je trouve que c’est tout de même un premier roman très prometteur. A découvrir si vous aimez les romans sur les ados et que leur langage cru ne vous déroute pas.

Note : 4.5 sur 5.

Incipit :
« Le soleil, il tape moins fort. J’ai plus besoin de plisser les yeux comme un con pour regarder Léna. Ça fait ressortir mon bronzage, et avec le sel et le vent, je sais pas, ça fait un bon mélange et mes cheveux, ils sont comme je les aime. Et si je les aime comme ça, c’est surtout que Léna m’avait dit une fois que ça me rendait plus beau et que ça me donnait un air plus farouche. Je savais pas trop ce que ça voulait dire, mais j’avais déjà entendu ce mot et je crois que je comprenais un peu le sens au fond. De toute façon je m’en foutais, l’important c’est que ça me rendait plus beau. Et y a qu’à voir comment elle me regardait en disant ça.
Léna, son regard il ment jamais, et quand elle me trouve beau elle le dit soit avec la bouche, soit avec les yeux. Moi je dis jamais des trucs comme ça, et encore moins quand je les pense. Mais ça Léna, elle s’en fout. Elle a pas besoin que je lui dise pour le savoir, qu’elle est belle. »

« Pourquoi chaque fois que je dois dire ou faire quoi que ce soit, je passe toujours par quatre chemins, et encore plus que ça ? La vérité c’est que la plupart du temps j’ai même pas le temps de trouver ça bizarre de penser autant, tellement je suis occupé à tout faire pour que ça se voie pas. »

« J’ai un peu honte de ne pas être capable de juger une musique autrement qu’à travers ce que les autres en disent. Lire tout à travers les yeux des autres, comme s’ils savaient tout mieux que moi. Faire semblant de savoir autant qu’eux. Comme si j’étais un humain de moins bonne qualité et que mes cinq sens, et tout ce qui me permet d’avoir des goûts, étaient pas fiables. Comme si je pouvais pas simplement sentir, écouter, regarder les choses, et faire confiance à mon cœur pour en juger. Est-ce qu’il faut être entraîné pour prendre goût aux belles choses ? J’ai pas de réponse, et toute façon j’ai réponse à rien. Mes pensées et tout ce qui me passe par la tête, c’est qu’une succession de questions, et le soleil, j’ai l’impression qu’à part me blondir les cheveux, il me crame aussi pas mal la cervelle. »

« – T’as pas envie de partir, parfois ? elle me demande après m’avoir encore un peu regardé en silence.
– Comment ça, partir ?
– Partir d’ici. Aller vivre ailleurs… ça te dit rien ?
– Je suis bien ici, je vois pas pourquoi je partirais.
– Je sais pas, pour découvrir autre chose. Ici, il se passe rien, non ? C’est cool pour les vacances, mais après… ça rouille quoi.
– Qu’est-ce qui rouille ? Je lui demande.
– Je sais pas, les gens.
– Les gens, ils rouillent… je dis avec ironie, en comprenant sans comprendre, mais en comprenant quand même un peu.
– Bah ouais, ça vole pas haut, quoi. Même tes potes, j’suis désolée mais au final si vous êtes amis c’est surtout parce que vous habitez à côté et qu’il y a que vous. En vrai, c’est surtout que vous avez pas trop le choix. Franchement, j’ai toujours pas compris ce que tu fous à traîner avec un mec comme Lionel…
J’aurais bien envie de l’envoyer chier, mais je sais qu’il y a que la vérité qui blesse, alors je dis rien. Et je me demande ce que ça peut bien lui faire que je rouille ou pas. Léna, elle vient, elle part et ce que je fais de ma vie entre les deux, ça change rien à la sienne. »

« […] et ça m’avait fait du bien de me dire qu’en fait y a peut-être pas que moi qui passe ma vie à jouer des rôles et à faire croire aux autres que rien me touche et que ça me paraît normal de grandir. »

« Comment elle pourrait aimer quelqu’un qui passe sa vie à rouiller comme un ancre au fond de l’eau ? Je suis jamais qu’un mec qui essaye d’en être un autre, et même plein d’autres à la fois. Qui fait tellement tout pour se fondre dans le décor qu’on le distinguera bientôt plus des rochers et des pins parasols. »

6 commentaires sur « Je rouille / Robin Watine »

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