Entre roman et essai, j’avoue n’avoir pas tout compris à ce livre hybride. Par moment très poétique, il relève assurément de l’intime de l’autrice, de son rapport à la terre, celle de la campagne bretonne de son enfance où elle revient quelques années plus tard. Le retour à la terre.
J’avais lu son précédent livre, « La vie têtue », également publié dans la collection « sorcières » de Cambourakis. J’ai à nouveau relevé de nombreuses belles phrases, à lire ci-dessous.
Incipit :
« Il fait sombre quand je me lève. Après avoir allumé le feu, je me glisse dehors pour sentir l’air. Dans la masse obscure des arbres devant moi, une hulotte mâle rappelle que la nuit n’est pas finie. Puis l’ânesse, qui m’aura sentie, se met à braire. Mélodies du quotidien et des transitions, de la nuit vers le jour, d’une saison vers l’autre. »
« A moi qui disais régulièrement qu’en revenant habiter les lieux de mon enfance j’avais le sentiment d’être descendue dans la fosse à lisier, il me semble qu’on m’a finalement prise au mot. »
« A l’examen il y a les mots : péquenaud, plouc, beauf, cul-terreux. Campagnard. Je remarque : même dans les insultes, je n’existe pas. Mais en les féminisant, je glisse une première pierre à l’édifice du retour. Péquenaude. Un vent chaud dans les troènes, une haleine de stabule. Il faut savoir de quelle rugosité on émerge, pour en sentir le goût en bouche. »
« Se revenir, finalement, ce n’est qu’une histoire de liens : défaire ceux qui nous entravent, renouer ceux qui nous furent arrachés. Voilà, j’apprends à détricoter, retricoter. Encore une affaire de femme. »
« Enfant, ils te planteront dans le corps des gestes racinaires auxquels il te faudra ensuite survivre, jusqu’à transmettre, à ton tour, ton lot d’embourbement et de lumière. On appelle peut-être ça tenir sa lignée. »
« Derrière chaque mot que l’on couche, la mémoire de son cheminement, qui est aussi la mémoire d’un coût. Des sacrifices. La péquenaude en moi ne pardonne pas à l’écrivaine sa futilité. »
« La poésie vient en jaillissant. Elle a ce pouvoir de défaire les barrages, de révoquer les entraves. Elle sait entendre et traduire ce que disent les corps et la terre quand on les laisse parler. Je m’en saisis pour tenir l’inventaire des moments où la matière, qu’elle soit terrestre ou humaine, se raconte elle-même. Sans interruption, rendue à son règne. »
« Sur la terre brûlante la pluie jetée exhale les douceurs enfouies. Quand il pleut l’été sur la terre c’est toute la tendresse accumulée ici depuis l’enfance qui revient, vaporeuse et saisissante. »

Un avis sur « Péquenaude / Juliette Rousseau »