Et, refleurir / Kiyémis

Ce premier roman débute au Cameroun en 1958. Andoun vit dans un village à la campagne. Elle se sent différente des autres. Elle ne veut pas travailler dans les champs toute sa vie et suivre le destin immuable des femmes décidé par les hommes. Son rêve est d’aller à l’école. Son père décide de l’envoyer à la ville, chez sa sœur qui a fait un beau mariage. Elle l’aidera à s’occuper de ses enfants et de sa maison et, en contrepartie, elle pourra étudier. Mais la vie à Douala s’avère toute autre. Andoun, nommée Anne-Marie à la ville, n’ira jamais à l’école. Un événement inattendu change sa vie mais elle est déterminée à réaliser son rêve et à réussir. Elle redouble d’énergie, s’affirme, s’émancipe. Elle choisit sa vie et non celle imposée par les hommes et sa famille.

On la suit du Cameroun à Paris, de désillusion en désillusion mais toujours avec une force de caractère et une capacité à rebondir. Elle avance vers son rêve malgré les obstacles et le racisme.

Il y a de nombreux thèmes abordés dans ce roman féministe : le patriarcat, la maternité, la transmission, l’exil, la famille, les traditions, la condition sociale, le racisme, le mensonge, etc. C’est surtout un très beau portrait de femme libre. Andoun/Anne-Marie est attachante. Kiyémis s’est inspiré de la vie de sa grand-mère et la rend immortelle à travers ce livre. Il y a aussi de magnifiques poèmes insérés entre les chapitres.

L’écriture de Kiyémis m’a beaucoup plu. Vous serez traversés par les odeurs de cuisine mais aussi par d’autres moins agréables, comme Andoun. Ce très beau roman vous fera voyager. Il fait partie des 5 finalistes du Prix Orange du Livre 2024 et il a déjà obtenu le Prix Régine Deforges 2024.

Note : 5 sur 5.

Incipit :
« Certaines nuits accouchent de rêves passagers.
Leur présence est éphémère.
Visiteurs temporaires,
Nichés derrière les yeux,
Ils s’emparent des lieux,
Ne laissent rien derrière eux,
Et lorsque,
Au battement de paupières suivant,
Le jour arrive comme un billet retour,
Ils s’évaporent.
Les voilà repartis comme ils sont venus. »

« Certains ont essayé d’oublier.
Pour déraciner ces cauchemars
Des confins de leurs âmes,
Ils ont essayé toutes sortes de méthodes.
Certains ont sombré dans la bière et le vin.
Il est parti d’ici, et il a laissé quelque chose.
Il est parti là-bas et on lui a pris quelque chose.
Il est revenu
Morcelé,
Et nous poursuivons son fantôme,
Sans tout à fait nous faire à l’idée,
Que son absence lui collait à la peau
Que son absence nous suivait tous.
Parce qu’il faut bien vivre,
Rappeler à la terre qu’on lui appartient,
Se rappeler à nous-même
Que nous ne sommes que chair,
Nous danserons.

Parce qu’il faut bien vivre,
Nous supplierons la terre
De nous soigner.
Nous supplierons nos sœurs
De prier pour notre salut.
Et dans nos rires,
Nos cris,
Dans le bruit des pieds,
Qui viendront faire hurler le sol,
Et dans nos tentatives désespérées
De s’enraciner
Fleurira la guérison. »

« Il en fallait du courage,
A la frêle fleur,
Pour tenir ses rêves à bout de bras. »

« Elle n’avait qu’un père, et c’était sa mère. »

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