Mon maître et mon vainqueur / François-Henri Désérable

Voici un magnifique roman pour commencer cette année 2022 !

Le narrateur raconte à un juge l’histoire d’amour entre ses deux amis, Vasco et Tina. On comprend dès le début que quelque chose de grave est arrivé, un crime peut-être, mais l’auteur ne nous le révèlera qu’à la toute fin. Tout le long de son récit, le narrateur ajoute avec humour des commentaires à l’attention du lecteur.

François-Henri Désérable sait mener le lecteur par le bout du nez. Il ménage le suspense, va de rebondissement en rebondissement. Je me suis totalement laissée embarquer dans son histoire, imprévisible et prenante, très bien écrite.

Tina est comédienne, passionnée par Verlaine et Rimbaud. Vasco est bibliothécaire à la BnF (Bibliothèque nationale de France) et tombe sous le charme de Tina lors d’un dîner chez leur ami commun. Mais Tina est sur le point de se marier à Edgar. Elle aime son futur mari, il lui apporte une stabilité émotionnelle. Ils ont deux enfants, des jumeaux.

C’est donc l’histoire d’une passion amoureuse, du désir de Tina, l’auteur décrit leurs ébats, mais aussi des remords de la jeune femme car elle trompe Edgar.

Vasco consigne leur histoire dans un cahier sous forme de poèmes. C’est ce cahier que le juge a entre les mains et tente de comprendre la signification des vers avec l’aide du narrateur.

L’exergue nous renseigne sur l’origine du titre :
« Est-il sensible ou moqueur,
Ton cœur ?
Je n’en sais rien, mais je rends grâce à la nature
D’avoir fait de ton cœur mon maître et mon vainqueur. »
Paul Verlaine

J’ai beaucoup aimé le rapport à la littérature et l’écriture, notamment les insertions de poèmes. Cela me donne envie de lire et relire les poèmes de Verlaine et Rimbaud. François-Henri Désérable nous offre aussi une visite de la BnF, ce qui ne peut que me plaire en tant que bibliothécaire ! Bref un très bon moment de lecture. Je découvre cet auteur que je n’avais pas encore lu et dont je lirai très certainement d’autres de ses romans. Lequel me conseillez- vous ?

Grand Prix du roman de l’Académie française 2021

Note : 5 sur 5.

« Le cahier, c’est la première chose que m’avait montrée le juge, quand tout à l’heure j’étais entré dans son bureau. Un Clairefontaine à grands carreaux, format 21 x 29,7. Quatre-vingt-seize pages dont il ne restait qu’un peu plus de la moitié – le reste avait fini dans ma corbeille. Sous la couverture souple et transparente, on pouvait lire au feutre noir :

MON MAÎTRE ET MON VAINQUEUR

Sur les pages suivantes, il y avait des poèmes. Voilà ce qu’on avait trouvé sur Vasco : le revolver, un cahier noirci d’une vingtaine de poèmes et, plus tard, après expertise balistique, des résidus de poudre sur ses mains. Voilà ce qu’il en restait, j’ai pensé, de son histoire d’amour. »

« Soixante-dix-neuf, a dit Vasco en montrant les tours de la BnF : elles font soixante-dix-neuf mètres de hauteur. Et comme Tina se taisait, Vasco a continué à l’abreuver de chiffres : la BnF accueillait chaque année plus d’un million de visiteurs, elle comptait quatre mille places de lecture, quatre-vingt-un ascenseurs dont quatre en panne depuis trois jours, seize escalators et six cent cinquante W.-C. Il y avait aussi huit kilomètres de rail qui permettaient l’acheminement de milliers de documents des magasins jusqu’aux salles de lecture. Mais ça n’était pas tout : cent trente et une centrales de traitement d’air, mille trois cents ventilo-convecteurs et six cent cinquante-huit ventilateurs de soufflage et d’extraction renouvelaient l’air en continu, et c’est filtré qu’il arrivait dans les magasins, les bureaux et les salles de lecture : l’air qu’on respirait à la BnF était meilleur que celui des alpages de montagne. En cas d’épidémie, c’est ici qu’il fallait se réfugier. »

« J’ose croire en tout cas que mon témoignage atténuera la peine, car en vérité il est déjà condamné à vivre sans elle et cela jusqu’à la fin de ses jours, jour après jour jusqu’au dernier dans le souvenir de Tina – son souvenir est un soleil qui flambe en loi et ne veut pas s’éteindre, voilà, ai-je conclu, les mots qu’a eus Verlaine en apprenant la mort de Rimbaud, et j’entends encore le juge me dire eh bien vous savez quoi, si j’étais vous, cette histoire j’en ferais un roman, et je me revois sortant du palais de Justice, je me revois descendant les marches du palais dans la douceur du soir en me disant il a raison, le juge, je me disais cette histoire, petit père, tu devrais en faire un roman. »

3 commentaires sur « Mon maître et mon vainqueur / François-Henri Désérable »

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