Vincent se lance dans une course d’ultracyclisme, 4000km en autonomie, un défi qu’il aurait aimé relever avec son ami Marc. En parallèle, on suit une amie d’enfance de Vincent, Pauline. Elle est dans une période de réflexion sur sa vie. Et soudain, elle retrouve cet ami perdu de vue… sur une carte. Vincent est un petit point sur la carte de la course.
On supporte le coureur cycliste dans ses efforts. On souffre avec lui. On voit les paysages et les pays défiler. On espère qu’il franchira la ligne d’arrivée sain et sauf. Et on se demande qu’est-ce qui pousse un homme dans une telle aventure ? J’ai eu quelques éléments de réponse lors de la rencontre VLEEL. Ce n’est pas le dépassement de soi mais la liberté, l’évasion qui permet de prendre du recul sur le quotidien et d’apprécier la vie construite jusque-là.
Cette quête intime est aussi un livre sur l’amitié blessée, le passage à l’âge adulte, mais je ne vous en dit pas davantage pour vous laisser le plaisir de le lire et de découvrir cette aventure qui en dit beaucoup sur notre société contemporaine.
Ce second roman de Lola Nicolle, également éditrice aux éditions Les Avrils, s’inspire de la septième édition de la Transcontinental Race pour en faire un livre original en cette rentrée littéraire. Ce serait dommage de passer à côté de cette très belle plume. A découvrir, d’autant plus si vous n’aimez pas le sport !
J’attends désormais le replay du VLEEL car je n’ai pas pu assister à toute la rencontre qui était passionnante.
Incipit :
« ça commence par le bruit des moteurs, les klaxons qui déferlent, les hurlements des mouettes par la fenêtre ouverte. Et une vision ; celle du faux plafond gorgé d’humidité, le soleil qui incendie les murs rendus ainsi fluo. Les portes que l’on claque de l’autre côté de la cloison. Il y a le premier réveil qui suit un long voyage, ce bref moment où il doute de l’endroit où il se trouve, puis, la conscience qui progressivement revient. Il est 6 heures du matin.
Vincent est arrivé la veille. De ce pays, il ne connaît rien. Il ne peut citer aucun auteur, chanteur ou film bulgare. Peut-être un homme politique ? Le président ? C’est à cela qu’il pense lorsqu’il cherche le sommeil. »
« La réalité, le temps, la distance : des repères mouvants. La vie : une question de perception. Parce qu’il revoit les deux enfants qu’ils étaient et qu’ils ne seront plus, parce que Aurélien a disparu depuis longtemps, un morceau très dense de solitude dépose son poids de chat sur son cœur. »
« Les heures fondent et d’en haut on peut voir, des cirques aux plaines brûlées, une route serpenter dans ce décor lunaire. Un minuscule point qui avance doucement – Vincent. Devant lui, d’autres cyclistes. Derrière lui, d’autres cyclistes. Le soleil s’est accroché très haut maintenant et applique sur le monde une chaleur radicale. La souffrance au sol est terrible ; les rayons se réverbèrent sur l’asphalte, sautent au visage des coureurs. Au loin, on aperçoit une voie caillouteuse pour monter au sommet. Ce n’est pas une bonne nouvelle. Peut-être qu’ils se demandent ce qu’ils sont venus faire là. Peut-être qu’ils ne pensent déjà plus à rien. »
« Puis, on avait arrêté de faire famille, donc on avait arrêté les ordinateurs fixes. Pauline avait bien appris la leçon. L’amour s’arrête, la famille s’arrête, les cris s’arrêtent et avec eux la violence s’arrête – et c’est dommage parce que la violence, c’est déjà quelque chose –, la maison s’arrête, le bruit du parquet et les portes qui claquent aussi, les souvenirs s’effacent, les amis meurent, la peur se dissout – elle est maintenant partout, l’enfance n’est plus nulle part. Alors, il faut bien que quelque chose commence, prenne le relais, singe de nouveau la vie, quelque chose qui ferait croire qu’il reste du tissu pour se tailler un vêtement en forme d’existence même si l’étoffe est transparente et ne trompe que celui qui la porte. Le travail : une arme robuste, puissante ; ce qu’on sait, ce qu’on sait faire, ce dont on est spécialiste et qu’on ne pourra pas nous dérober. Affûter son esprit jusqu’à ce qu’il devienne tranchant, une flèche précise pour qui voudrait s’immiscer. Un pouvoir. »
« La vie nouvelle qui recouvre la vie d’avant, trop douloureuse. L’enfance froissée en boule au fond d’un placard, et qu’on prend soin d’oublier. »

Un avis sur « Le grand horizon / Lola Nicolle »