Viande / Martin Harnicek

Attention, pour lecteurs avertis, il s’agit d’un roman d’horreur où les hommes mangent leurs semblables. Vous voilà prévenus !

On suit le narrateur, qui n’a pas de nom, dans sa quête pour survivre. Il vient de perdre sa maison ou plutôt la maison où il vivait avec d’autres personnes. Et quand on n’a pas de logement, on ne reçoit pas de tickets. Ces tickets permettent d’acheter de la viande ou du combustible pour cuire sa viande. Il n’y a plus rien d’autre à manger. Pas d’animaux ni de plantes.

Ce personnage n’est franchement pas attachant. Dans cette ville il faut respecter un certains nombre d’obligations qui engendrent une insécurité permanente. On peut être dénoncé pour abattage au noir par exemple ou arrêté pour tentative d’abattage à tout moment. La police circule de jour comme de nuit. Elle est présente également dans la halle, la boucherie officielle pour acheter de la viande. Il y a la 1e, 2e et 3e classe (celle des pauvres). La viande fraîche arrive en 1e classe puis après quelques temps va en 2e pour finir en charogne en 3e. Pour parcourir les étals de la halle, vous devez être en possession d’un ticket. Si vous êtes contrôlés sans ce précieux billet, la police vous tue de suite et vous allez directement chez les bouchers de la 1e classe. Dans la halle il y a aussi les tires-au-flanc qui peuvent dénoncer les personnes hors-la-loi.

Bref tout est prétexte à fournir de la viande humaine pour la halle. Ce court roman de 133 pages aborde la question du bien et du mal, notamment avec sa fin mais je ne vous en dis pas davantage.

La couverture est rouge, ainsi que les tranches, qui rappellent le sang. J’ai pensé à « Matin Brun » de Franck Pavloff sur le thème du régime politique extrémiste et de la dénonciation.

Ce livre est paru pour la 1e fois en 1981, inédit en France, publié en 2024 par les éditions Monts métallifères dans la collection Pb82 qui se définit comme du feel bad qui fait réfléchir et je valide totalement cette formule. « Cette collection est dédiée aux fictions sombres, glauques, violentes, plombantes, qui explorent les galeries les plus noires de l’existence humaine. »

Si vous aimez les lectures qui bousculent ou tout simplement la littérature d’horreur, ce livre est pour vous !

Il est traduit du tchèque par Benoit Meunier.

Et je coche la case « un titre commençant par V comme VLEEL » du challenge de l’été VLEEL

Note : 4 sur 5.

Incipit :
« C’est un fait : il était tout à fait déraisonnable de ma part d’entrer dans les halles. J’aurais dû m’en rendre compte dès mon arrivée, m’en rendre compte et partir. Du reste, ça m’est sans doute venu à l’esprit, mais la faim, la fatigue et le désir de me déplacer au milieu de ce déluge de viande étaient plus forts que toute considération rationnelle. »

« Les halles ne fermaient jamais. Il fallait qu’elles soient sans cesse en activité car il était nécessaire que la viande fraîche abattue se retrouve sur les étals de première classe. Même si les personnes qui venaient de nuit pour s’y procurer de la viande étaient rares, celle-ci était acheminée en permanence, les policiers abattant tout autant de nuit que de jour. »

« Je savais donc que je pourrais me reposer dans l’enceinte des halles ; cependant, par peur d’un contrôle et d’un abattage éventuel, j’avais peur d’y entrer sans avoir au moins un ticket sur moi. »

« Une douce odeur de viande en décomposition me frappa les narines, cette viande à laquelle je n’avais pas droit et pour laquelle il m’aurait fallu posséder au moins un ticket.
Fasciné, je scrutai les étals couverts de plusieurs couches de nourriture, les bouchers qui séparaient les uns des autres les morceaux d’un geste expert avant de les donner à ceux qui avaient des tickets, à ceux qui avaient le droit de manger et de se loger. La faim me torturait tant que j’aurais pu manger n’importe quelle viande crue et nauséabonde, alors qu’en temps normal, je ne l’aurais ingurgitée que cuite, et avec dégoût. »

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