C’est toujours un plaisir de retrouver la plume de Michel Jean découverte grâce aux éditions Dépaysage et à VLEEL. On recroise des personnages et des lieux de ses précédents romans.
Dans celui-ci deux histoires sont en parallèle, à deux époques. Les chapitres alternent entre Eve, une avocate de nos jours à Montréal, qui défend un homme, Uqittuq Ainalik, accusé de meurtres sur d’anciens policiers. Mais le vieil Inuk reste muet. Et dans les années 1960, un jeune couple inuit, Saullu et Ulaajuk, qui vivent de la chasse et de la pêche dans le Grand Nord avec leurs chiens de traîneau. D’ailleurs, Eve a aussi un chien, qu’elle a appelé Qimmik, qui signifie « chien » en inuktitut.
J’ai plongé dans l’histoire du peuple inuit, dans leurs vies faites de grands paysages sauvages, du respect de la nature mais aussi du froid et de la peur de la faim. Il y a aussi une belle histoire d’amour entre Saullu et Ulaajuk.
On retrouve les thèmes chers à Michel Jean : la recherche de la vérité, la soumission d’un peuple et le racisme. Avec toujours une avocate acharnée à découvrir la vérité et à comprendre. Cette fois il ajoute un animal emblématique pour ce peuple, le chien de traîneau. La relation entre les inuit et leurs chiens est magnifique.
Une fois de plus Michel Jean nous fait découvrir un pan de l’histoire du Canada que je ne connaissais pas, les campagnes d’abattage des chiens nordiques. Mais je ne vous en dis pas plus pour vous laisser le plaisir de lire cette histoire qui vous touchera en plein cœur. Encore un roman essentiel de Michel Jean qui donne la voix aux personnes réduites au silence.
Je remercie Babelio et Le Seuil pour cette masse critique privilégiée
Incipit :
« Le ciel, le roc, l’océan. Sous une lumière obscène, face à l’Arctique, mer de glace. Terre nue. Pays sans arbre. Entre le ressac et le silence, le vent, le vent du nord, règne sans partage. Son souffle glacial soulève les flots, emporte dans son sillage des tourbillons de neige qui courent sur la terre comme sur l’eau. La toundra gronde. »
« Le territoire vous ramène toujours vite à sa réalité. »
« Tous les Inuit connaissent la faim un jour ou l’autre. Et tous connaissent la morsure du froid. Quand elles vous tenaillent, elles occupent tout l’espace. L’une et l’autre nous montrent les limites de nos existences. »
« Innus, Inuit. Les mots se ressemblent, et pourtant, ils désignent des peuples qui ne pourraient être pus différents. Les ancêtres des Innus sont arrivés en Amérique il y a dix mille ans. Leur langue, leur culture ressemblent à celles des Atikamekw à l’est, des Cris et des Naskapis au nord. Ils ont des parents jusqu’en Terre de Feu, dans tous ces peuples autochtones qui, les premiers, ont habité le continent.
Les ancêtres des Inuit sont arrivés en Alaska il y a environ cinq mille ans. Certains ont migré plus tard vers l’est et occupent maintenant l’Arctique jusqu’au Groenland, un territoire de plus de six mille kilomètres où règne une seule langue, l’inuktitut. Leurs frères vivent au Groenland, en Russie, et ils ont des liens avec les Samis en Suède, en Finlande et en Norvège. Ces peuples nordiques demeurent autour du cercle polaire sur un territoire à la fois riche et ingrat. Ils ont créé des outils pour chasser les baleines, les phoques et le caribou. Ils ont inventé l’igloo. Leur histoire est une leçon d’adaptation et de résilience. Les gens du Sud leur ont imposé leur propre notion du progrès et, aujourd’hui, ils en sont réduits à habiter des villages isolés, dans un désœuvrement qui fait honte à nos sociétés. »
