Ce conte gothique transpire l’horreur et le sang. Il parle surtout de la condition féminine, du patriarcat en revisitant le conte de Barbe bleue ainsi que d’autres contes. Il faut rappeler qu’à l’origine les contes sont plutôt sanglants et cruels. Rien à voir avec les contes édulcorés que nous lisons aux enfants aujourd’hui.
La princesse Eugénie vit enfermée dans un château, sur ordre de son père, le Roi Cruel qui promulgue des décrets invraisemblables du matin au soir. Elle ne pourra être libre qu’en épousant un homme dont la fortune dépasse trois fois sa dot. Le jour de ses 16 ans, un prétendant demande sa main. Le Roi Barbiche, la quarantaine, lui promet de la protéger et de l’aimer. La suite, vous en vous doutez, ne se passe pas comme prévue pour Eugénie. Elle se réfugie quelques mois dans la bibliothèque royale qui lui permet de s’évader par la pensée. Le chien noir du titre est un chien blessé qu’elle recueille.
Lu en deux jours, j’ai été happée par cette lecture horrifique. Un roman fort en émotions qui ne laissera personne indifférent. Avis aux âmes sensibles, certaines scènes décrites peuvent être difficiles. Il est accompagné d’une postface d’Élisabeth Lemire, spécialiste du conte littéraire français.
Cette lecture me permet de cocher la case « un des 300 premiers VLEEL » du challenge de l’hiver VLEEL et de sortir un livre qui était dans ma PAL depuis un moment.
A noter, ce fut l’une des toutes premières rencontres VLEEL, il y a 4 ans, avec les éditions du Typhon. Replay à visionner ci-dessous !
Incipit :
« Il était une fois, une fois plus vieille, une fois plus sombre, dans un pays forcément très loin d’ici, un roi si cruel qu’on le croyait descendant d’un ogre. Il avait épousé une femme belle et froide comme la nuit qui lui avait donné un fille belle et gaie comme le jour. Puis la reine mourut, succombant paraît-il aux méchancetés de son mari. »
« Le Roi Cruel aimait tellement les décrets que, non content d’en promulguer du matin au soir, il passait ses nuits à les relire dans ses grands livres de lois qui compilaient, jour après jour, ce qui constituait, avec les ordres de décapitations, toute son action politique. Bien qu’il aimât tendrement la guerre dans ses jeunes années, et en raison de cet engouement juvénile, il avait à présent le monde entier comme vassal et pouvait décréter à l’envi ! Ce qui ne l’empêchait pas de cherche querelle une ou deux fois par an, pour quelques stupide prétexte, à un petit pays jusqu’ici tranquille dans son coin du monde. Le roi se délectait alors de chevaucher à nouveau vers la conquête, rappelé par l’odeur du sang, entouré de ses soldats et armé jusqu’aux dents. Ces marottes l’occupaient trois ou trente jours, selon la distance à parcourir et la taille du pays à asservir, puis il revenait et se remettait à son bureau pour décréter de plus belle. »
« Dans la bibliothèque, notre jeune reine oubliait peu à peu la détresse qui s’était logée dans son cœur. Les cloisons se fissuraient, l’immensité de l’Univers s’ouvrait à elle à travers des mots assemblés pour lui fournir informations ou divertissements. Elle s’accrochait à l’espérance d’y trouver le repos de son âme. Les réponses à ces questions qu’elle n’osait formuler, celles qui font chavirer les convictions et bousculent les arrangements passés avec la réalité. Derrière les caractères d’imprimerie et les lettrines peintes, Eugénie avait entraperçu un interstice plein de promesses de liberté. Elle y passait donc ses journées entières. »
« Après une heure, Eugénie s’exclama avec irritation : « A quoi sert d’être reine dans un royaume où les reines ne sont que des porte-couronnes, des portes-pouvoir, des portes fermées ? A quoi sert donc d’être reine, si je n’ai pas même de pouvoir sur moi-même ?! » »
