La route des crêtes / Agnès de Clairville

La narratrice apprend le 31 décembre que son mari Marc-Aurèle, vient de se tuer dans un accident de voiture. Elle se retrouve seule à imaginer la vie avec leur futur bébé. Un enfant qu’elle a beaucoup espéré, mais qui semblait moins essentiel pour lui. Elle s’interroge sur le couple qu’ils formaient, sur leurs familles si différentes, les conventions sociales.

Un roman sur le deuil mais aussi la vie, puisque la narratrice est résolument tournée vers sa fille. On est toujours plongé dans ses pensées. Elle fait des allers-retours dans le passé. Il n’y a pas d’autre point de vue. A part le « chœur des familles », comme un chœur antique dans les tragédies, qui apporte un regard extérieur.

C’est émouvant mais sans pathos, tout en pudeur et finesse, avec une écriture ciselée. La musique traverse également les pages. Un roman noir que j’ai trouvé magnifique et que je vous recommande. D’ailleurs j’avais beaucoup aimé son premier roman, une autrice à suivre !

Je remercie Netgalley et Phébus pour cette lecture

Replay et podcast de la rencontre VLEEL à venir

Note : 5 sur 5.

Incipit :
« Tes gants de conduite sont au premier plan de ce portait que j’ai pris de toi, posé sur la console du salon. »

« Jim est le survivant de sa moitié comme je le suis aussi. Et si mes larmes ne coulent pas, je les sens creuser une galerie souterraine entre mon cœur et mes entrailles, car nous avons perdu une partie de nous-mêmes, mais lui peut-être plus que moi. Et mes larmes, stalactites intérieures, sont d’abord pour Jim. »

« De retour à l’appartement déjà obscurci par le soir hivernal, je savoure ma solitude qui est encore une proximité avec toi, toi qui aurais ri et tourné en ridicule cet anniversaire incongru. Moi qui ai refusé qu’on le fête chez mes parents, comment ai-je pu me laisser piéger ? Moi qui déteste ce rituel depuis mes trente ans, quand l’absence de l’enfant si désiré m’avait fait quitter la table les larmes aux yeux, devant mes parents, mon frère et mes sœurs interloqués. Sans toi, je me renie. »

« Garçon ou fille, j’imagine le bébé comme ton sosie. J’ai peur qu’il soit un garçon. Je serais paniquée d’élever un petit homme, de mal faire, de le castrer. En tant que fille aînée, j’ai l’habitude de tout régenter. Mon frère a dû se construire dans un environnement hostile, une famille de femmes fortes, je n’ai pas envie de ça pour notre enfant. Toi, tu es le fils d’un militaire, le fils d’une lignée d’hommes, où les bagarres avec Jim étaient quotidiennes. Les garçons, c’est comme ça. Alors j’espère que le bébé est une fille. Une petite poupée avec ton visage. »

« Tomber amoureuse, voilà le risque. Avoir un enfant, un compagnon qui mourrait avant moi, voilà mon cauchemar. Certains la taxeront d’égoïsme, quand il s’agit de survivre. Nous sommes des survivantes. »

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