Ce roman de science-fiction alterne entre plusieurs narrateurs. Il débute par le discours de clôture du congrès international d’astronautique en 2082 de Lee Wang, le directeur de l’Agence spatiale internationale, et alterne avec le journal de bord de cinq astronautes en mission en 2097.
Ils transportent 52 cuves d’azote liquide avec les génomes d’espèces animales et végétales. La 53ème cuve est sujet à controverse, elle contient le génome humain. Leur mission est de sauver ce patrimoine génétique et de le mettre en sécurité sur Titan, la plus grande lune de Saturne. Pendant ce temps, la planète Terre est en proie à de nombreux feux à cause du réchauffement climatique.
A bord du vaisseau il y a Helen, Viktor, Hari, Tracy et Aiko. Mais également Milena, une intelligence artificielle. Sans elle, la mission serait impossible. J’ai aimé me retrouver plongée dans cet univers d’astronautes. On les suit au quotidien. On découvre les inventions pour produire de l’oxygène notamment. Il y a un peu suspense tout au long du roman. Vont-ils réussir leur mission ? Que vont devenir les humains et la Terre ?
Je ne suis pas une grande lectrice de science-fiction, d’ailleurs ce roman a été publié en littérature blanche. Je trouve qu’il résonne particulièrement en ce moment avec les effets du réchauffement climatique. Il pourrait être considéré aussi comme un roman d’anticipation. Des scientifiques et des pays font des choix à un instant t dont il ne verront peut-être pas les effets et seront poursuivis par d’autres personnes.
Ce roman peut être qualifié de plus exigeant et demande un peu de concentration au début, mais si vous aimez les aventures spatiales, ce roman devrait vous plaire. Ne vous attendez pas à des rebondissements ou à des scénarios catastrophes. Dans cette mission scientifique, tout a été pensé et étudié rigoureusement pour sauver tout ce qui vit sur la Terre. Il pose des questions plus philosophiques sur notre rapport au monde.
Il fait partie de la sélection du Prix du Roman d’Écologie 2025 dont je participe au jury dans le cadre de Strasbourg capitale mondiale du livre – UNESCO
Incipit :
« Il existe une terre dans notre Système solaire qui n’a pas rang de planète mais le mériterait, annonça Lee Wang. Par sa taille, elle le mériterait, presque aussi grande que la planète Mars, mais moins inhospitalière. »
« Il rêvait de poser son pied sur la Lune. Il l’a fait. Il militait pour que l’Australie se dote sur la Lune d’un poste avancé. Elle l’a fait. Il n’attendait pas grand-chose du sous-sol lunaire. Il savait que la bataille pour la glace d’eau préservée au fond des cratères d’impact, là où la paroi ne voit jamais le soleil, à l’heure du grand partage, puis de la vente à la découpe, spécialement autour des concessions du pôle Sud, il savait que cette bataille serait rude, et elle le fut. Il se projetait déjà dans l’étape suivante. Son objectif : ouvrir une ligne régulière, installer une rotation. Des dessertes programmées, cadencées. Puis prolonger la ligne, un tronçon succédant à un autre, établir des relais, des comptoirs, en s’appuyant sur les points de Lagrange, ces rares points de stabilité dans l’espace qui accompagnent fidèlement un astre dans sa révolution. Relier ces points entre eux, amorcer un réseau et pousser plus avant, au prétexte que dans l’histoire de la colonisation, le transport précède toujours la mis en valeur. Il voulait s’affranchir, libérer son corps de la finitude de la Terre. Il a marché sur la Lune, il y a vécu, il en est revenu, il y est reparti. Il a pointé son télescope vers le jalon suivant. »
« Son alter ego ou presque, de même classe, de jauge similaire, qui présente des caractéristiques comparables, son sister-ship, comme on qualifiait entre eux les grands transatlantiques , son navire-jumeau, son bateau-frère. »
« On apprend à vivre sous le regard de Milena. Rien ne lui échappe, tout est consigné, stocké, transmis à la demande ou automatiquement, pour notre confort et notre sécurité. Elle anticipe, elle prend en charge. On a appris à vivre avec. On ne l’oublie pas, mais. Prêts à tout sacrifier, pour. Avant d’en arriver là, il y a eu des sacrifices plus grands. On intériorise le fait que chacun de nos gestes laisse une trace à l’image, nos paroles sur les enregistrements sonores, nos écrits sur le serveur. Nos paramètres et nos comportements sont suivis en temps réel, jaugés, analysés. L’individu subordonné au groupe, l’intérêt du groupe subordonné à celui supérieur de la mission, on l’accepte, comme une évidence. »
« Cinq êtres humains transportés loin de leur planète d’origine pour une mission de sauvetage, prioritaire entre toutes, et qui vaut davantage que nos cinq vies, même réunies. »
« Je ne vois que l’aventure spatiale capable de ça, de dépasser les frontières, d’enjamber le fossé de nos origines et la malédiction de Babel. »
« L’objectif de la mission Vavilov est de sauver ce qui peut l’être, constituer une arche du vivant et l’exporter loin d’ici, avec l’espoir dans un avenir plus ou moins proche, sur cette planète ou une autre, de pouvoir repartir, rebondir, en faisant gagner du temps à l’évolution. »

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