Dernier bateau pour l’Amérique / Karine Lambert

Voici un roman très personnel et touchant. Suite au décès de sa mère, Karine Lambert écrit sur son histoire familiale. Comme elle n’a pas tous les éléments, elle fait des recherches généalogiques, se documente, écrit à sa cousine d’Amérique. Ce qu’elle ne sait pas, elle l’imagine.

Elle tente de comprendre qui a été sa mère. Celle qui ne lui a jamais dit qu’elle l’aimait. Elle s’appelait Germaine. En mai 1940, à l’âge de 10 ans, elle a fui la Belgique avec sa famille, comme de nombreux Juifs. Ils se réfugient un temps dans le Sud de la France, avant que son père et une de ses sœurs partent rejoindre son frère aux États-Unis. Un an plus tard, c’est à son tour de partir et de prendre ce qui semble être le dernier bateau pour l’Amérique.

Elle raconte une vie d’exil. Sa mère a du mal à s’adapter à la vie américaine. Ses sœurs s’intègrent rapidement. Même sa grand-mère retrouve une ancienne voisine et une certaine routine. Germaine, la plus jeune de la fratrie, a toujours été chouchoutée. Elle portait des gants pour préserver ses mains de pianiste. Ses parents portaient tous leurs espoirs sur elle. A New York, elle réussit un concours d’entrée dans une prestigieuse école de musique et obtient une bourse d’étude. Son avenir paraît tout tracé, mais ce roman réserve encore de nombreux rebondissements.

L’écrivaine alterne entre présent et passé. Dans un chapitre elle raconte ses recherches, ses doutes, son enfance incomplète, l’écriture. Dans le chapitre suivant elle plonge dans le passé familial et les secrets enfouis.

Les personnages sont bien campés et attachants. Impossible de lâcher la famille Schamisso. J’ai bien aimé les passages liés à l’écriture du livre, le côté coulisse de l’écrivaine qui explique son procédé. Ce n’est pas un roman larmoyant malgré les difficultés rencontrées. J’ai senti une sorte de calme et d’apaisement au fil des pages. Si vous aimez les sagas familiales, l’histoire dans L’Histoire, ou les destins de femmes, ce livre devrait vous plaire. Pour ma part, je l’ai dévoré en l’espace d’un week-end. Un sujet et une démarche périlleux qui sont bien menés, une réussite ! Et l’illustration de couverture est magnifique.

Je remercie Karine Lambert pour l’envoi de son livre et ce voyage dans son histoire familiale.

Note : 4 sur 5.

Incipit :
« Ma mère est morte il y a un mois.
Je ne suis pas allée à son enterrement.
Vingt ans que je ne l’avais pas vue.
Elle ne m’a jamais dit qu’elle m’aimait.
Ni avec ses mains, ni avec ses yeux, ni avec ses mots.
Encore moins avec ses baisers. »

« J’ai appris la nouvelle par texto. C’est chamboulant de perdre une mère qui n’en a pas été une. J’ignore ce que je dois ressentir. Je n’ai ni frère ni sœur avec qui partager un chagrin ou confronter des sentiments divergents. »

« Ma mère est morte. Mon cerveau a enregistré l’information. Je continue d’attendre une caresse sur ma joue. La date de l’enterrement, je la connaissais. Mercredi 25 novembre. Il s’est déroulé à dix minutes de bus de chez moi. Depuis mes quarante ans, je savais que je n’irais pas. Je pense à celles qui perdent une mère adorée et je recouvre le moule à cake de papier sulfurisé. »

« Pour raconter leur histoire, je ne dispose que d’ombres, parfois un peu de lumière. Ont-ils emporté avec eux des malles, des valises ou un petit sac de presque rien, rempli à la hâte ? Les Schamisso ont déjà tout laissé en Russie puis en Belgique. »

« La peur de la séparation peut-elle traverser plusieurs générations ? Dès que l’un de mes enfants quittait la pièce je lui demandais : « Où vas-tu ? » »

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