Le sorcier blanc / Mathieu Vivion

Dans ce premier roman, l’auteur dénonce un monde violent, le nôtre. Celui où des enfants portés par l’espoir de sortir de leur condition et de réaliser leur rêve de devenir footballeur en Europe, tombent sous l’emprise d’un homme, le sorcier blanc.

Ouagadougou, des enfants jouent au football avec une bouteille ou un chiffon. Un homme blanc les observe depuis la terrasse d’un café. Il les sélectionne pour intégrer son centre de formation. Il y a l’Espagnol, le Burkinabé, l’Anglais, le Français, l’Allemand, chacun se rêve dans une équipe.

La réalité du centre de formation est toute autre. La violence et le mépris du sorcier blanc les rabaissent à leur condition sociale. Il peut les remplacer n’importe quand, les rues regorgent de jeunes burkinabés pauvres.

Il y a un rythme, une sorte de scansion dans ce texte. Les deux personnages principaux, l’Espagnol et le Burkinabé, sont attachants. Leur amitié et leur fraternité est belle. On se met à rêver une vie meilleure pour eux. Mais la violence entraîne la violence et on pressent une fin tragique, la fin d’une enfance.

113 pages de poésie et d’espoir. Encore un texte fort publié par les éditions du Panseur.

Avec cette lecture, je valide l’avant-dernière case de mon 2ème tour du challenge de l’été VLEEL qui me permet de faire baisser ma PAL !

Note : 4 sur 5.

Incipit :
« Il frappait lui aussi.
Il frappait les murs des maisons qu’il ne possédait pas.
Il frappait les vitres en évitant d’y croiser son reflet.
Il frappait le sol pour le couvrir de son sang, et ceux allongés dessus pour que s’y mêle le leur, croyant qu’un peu de leur richesse volée le rendrait noble.
Il frappait pas choix, comme si c’était commun, puisque mendier n’en était pas un.
Il mendiait.
Il se rappelait tendre les doigts dans les rues de la grande ville, et ployer les genoux pour se faire plus petit. Il était persuadé qu’en relevant soudainement la tête, il marquerait les gens par sa taille et sa révolte, que c’était ce genre de surprise dont ils étaient friands. Qu’ils le récompenseraient d’avoir été tant épatés, et qu’une main, peut-être se sentant plus utile que la sienne tant crispée vers le ciel de Ouagadougou, le saisirait par la corps et l’arracherait des pavés.
Et pour cela, il était frappé.
Il était battu parce qu’il ne possédait rien.
Les autres frappaient ses yeux boursouflés, surpris qu’il puisse encore les ouvrir, et confus d’y trouver tout ce à quoi ils ne voulaient pas ressembler. Ils allongeaient simplement son corps sur le sol et de contentaient de l’assommer. Du sang inondait sa bouche à cet instant. Ce n’était pas le leur. Ils auraient été trop honteux de le mêler au sien, de lui faire goûter l’hérédité précieuse : ici, les pauvres et les riches ne prennent ô grand jamais le risque de donner naissance à un bâtard.
Puis ils l’achevaient en lui jetant une pièce sur la joue, froide sensation signant à la fois leur œuvre et la fin du massacre.
Ne restait que ses mains tremblantes. Inertes. Incapables. Que pouvait-il en faire ? On lui avait dit, répété à outrance comme une malédiction qui s’acharne de corps en corps, qu’il n’en ferait rien. Qu’il n’y avait rien à espérer. Il espérait.
Il croyait en des rêves insensés et en des façons folles de les réaliser.
Le football tissait le lien étroit qui pouvait exister entre la pauvreté qu’il vivait et les acrobaties fines qu’il lui fallait effectuer afin de s’en dépêtrer. »

« Comment qualifier un monde où les enfants ne savent plus où se mettre, où ils hésitent à fuir ou à rester sous la voix qui les fustige, un monde où les enfants deviennent des proies ?
On ne le qualifie pas.
On le méprise. »

« Comment qualifier un homme qui entend conquérir le monde en exploitant les enfants qui le peuplent ?
On en le qualifie pas.
On le méprise. »

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