Tchernobyl, 1986. Lena et Ivan, 13 ans, s’aiment mais la catastrophe nucléaire les sépare. Ivan reste. Lena part avec ses parents et sa grand-mère. Ils s’installent en France et reconstruisent une nouvelle vie en Normandie. Lena, elle, n’y arrive pas. Elle pense toujours à Ivan. Elle veut repartir dans son pays. Son père refuse et lui dit qu’Ivan est mort.
C’est un exil douloureux. Elle ne comprend pas la langue française. Elle n’arrive pas à s’intégrer au collège. Une bibliothécaire la prend sous son aile et l’aide à apprendre la langue, la nourrit de littérature. Les livres sont alors un refuge pour Lena. Elle grandit. Au lycée elle a enfin une véritable amie. Puis elle part faire ses études universitaires à Paris.
2 voix, 2 vies, 2 destins différents. Le roman alterne entre Lena en France et Ivan en Ukraine. Ils s’écrivent des lettres mais qui ne leur parviennent pas. 20 ans après la catastrophe, Lena retourne dans la ville fantôme de son enfance, Pripiat. Elle a besoin de retrouver ses racines.
Alexandra Koszelyk sait raconter les histoires. On ressent une histoire forte, avec une sorte de poésie mélancolique, et surtout beaucoup d’humanité. Les personnages sont attachants et on a envie de les suivre. On pose avec regret le livre quand la réalité se rappelle à nous. J’ai aimé la belle écriture de ce premier roman, l’ode à la littérature et les parallèles avec la mythologie. Le titre fait référence à un poème d’Aragon, d’ailleurs le roman est truffé de références littéraires. Une lecture idéale pour les amoureux de la littérature et des mots, à glisser dans votre valise, en plus il est sorti au format poche.
C’est une écrivaine que je suis avec plaisir. J’avais eu un coup de cœur pour son 2nd roman, L’Archiviste, et je me réjouis de lire celui que les Forges de Vulcain publient à la rentrée littéraire.
Incipit :
« Quand Léna arrive à Kiev, elle ne s’attend à rien ou plutôt à tout. Des odeurs de son enfance, la musique de sa langue natale, les dernières images avant son exil. Mais de fines particules assombrissent les lumières de la ville, la grisaille embrume ses souvenirs. »
« Les livres n’étaient pas seulement des outils pour apprendre le français ou pour s’évader : ils comblaient cette absence qui la dévorait et étaient un pont de papier entre les rives de ses deux vies. La lueur d’une bougie blèche au fond d’une caverne. »
« Le passé était un pays étranger qui ne la quittait jamais. »
« Quand Léna y entra, elle fut surprise par la bibliothèque. Il avait tellement de livres ! Deux rangées sur chaque étagère. Quel plaisir de fouiner dedans ! Léna y puisa ceux qui deviendrait ses livres de chevet. Elle découvrit surtout des classiques. Le premier roman fut L’étranger de Camus. La première phrase, « Aujourd’hui, maman est morte », la troubla. Elle s’assit. »
« En revanche, la découverte de Milan Kundera fut mémorable. Ce matin-là, elle avait pris un de ses romans au hasard. Dans les ballottements du bus, debout, elle commença le livre. Calée contre une barre, le corps en équilibre, les pieds plantés au sol pour ne pas tanguer, elle se figea à la page 19 de L’Insoutenable Légèreté de l’être :
« L’homme ne peut jamais savoir ce qu’il faut vouloir, car il n’a qu’une vie, et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures. »
La lecture adoucit les longs trajets vers l’université. L’étudiante ricochait d’histoire en histoire. Dans l’ombre, les livres portaient le poids des cailloux du Petit Poucet. Les autres étudiants s’amusaient de cette jeune femme un peu sauvage, le nez dans un livre à la pause. Personne n’osait l’aborder. Elle engloutissait les romans à une vitesse métronomique. Les mondes de papier la rendirent épicurienne. Partout. Tout le temps. Elle lisait comme on respire. Par soif, par nécessité. Le plaisir était là aussi. Elle refermait chaque livre, comme on quitte des amis. »

En amoureuse des mots, tu as titillé ma curiosité.
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