Un colosse / Pascal Dessaint

Dans les années 90, Pascal Dessaint visite un musée à Toulouse. Il est impressionné et fasciné par un sabot taille 54 et le moulage d’une main géante exposés. Beaucoup de questions surgissent en lui, notamment pourquoi cette main avait été moulée ?

Il enquête et, au fil des années, il réunit des articles sur Jean-Pierre Mazas, l’homme à qui appartenait ce sabot et cette main. Ce colosse de plus de 2 mètres 20 est né en 1847. Il était paysan dans la région de Toulouse, puis sa force extraordinaire et sa taille hors norme l’ont amené à faire de la lutte. Il décède en 1901. Entre-temps il passe de lutteur à monstre de foire, puis devient une curiosité pour la science. En arrière-plan, il y a le contexte historique, comme la construction de la Tour Eiffel pour l’exposition universelle de 1889.

Entre récit historique et roman, Pascal Dessaint comble les zones d’ombre. Il rend hommage à cet homme handicapé et singulier à son époque. Avec respect, il reste le plus fidèle possible aux éléments trouvés lors de ses recherches. A la fin du livre, il partage ses sources et références bibliographiques.

Publié en 2021, ce court roman de 126 pages est sorti en poche en 2022 avec une très belle couverture. Pascal Dessaint avait été reçu lors d’une rencontre VLEEL en juin 2021 à laquelle j’avais assistée et qui m’avait donné envie de lire ce livre. Le challenge de l’été VLEEL arrive à point pour faire baisser ma PAL !

C’est une lecture en demi-teinte pour moi. Je n’ai pas réussi à m’attacher à cet homme, peut-être le côté documentaire m’en a empêché. Il y a trop d’informations, pas assez retravaillées en matière romanesque à mon goût. J’avais l’impression de lire une biographie alors qu’il s’agit d’un roman et que ce n’est pas l’histoire exacte de cet homme même si l’auteur a respecté au maximum son sujet. L’histoire tragique de Jean-Pierre Mazas est fascinante, je comprends l’obsession de Pascal Dessaint.

Note : 3 sur 5.

Incipit :
Conversation inventée
« Un montre, dites-vous ?
– Un géant, à tout le moins. D’aucuns le qualifièrent de colosse. Lui, si grand, né dans un village…
– Dans un village ou une ville naissent des gens de toutes sortes, de toutes tailles.
– Bien sûr… Je désirais marquer le contraste, d’une certaine façon l’aberration. Mais ce n’est pas cela, somme toute un regrettable accident de la nature, qui agace mon esprit.
– Stimule votre réflexion ? Qu’est-ce donc ?
– Je ressens sa souffrance. Cet homme, c’était un homme, ne pouvait que souffrir… Et puis…
– Et puis ?
– Son destin, la direction que sa vie a prise… Sa grande taille n’a pas été, en soi, la chose la plus curieuse. Plus de sept pieds sous la toise, tout de même !
– Diable !
– L’époque connaissait d’incessants bouleversements politiques, d’inévitables progrès aussi, déroutants, stupéfiants. Les années passaient à un train d’enfer. La civilisation avançait ! Et lui, dans le même temps, se mit à rapetisser.
– Rapetisser !
– Oui, quoique ce verbe ne soit pas tout à fait juste.
– Vous aiguisez ma curiosité… Vous avez l’art de ménager vos effets.
– N’y voyez pas malice. Je réfléchis au fur et à mesure que je vous parle. Certaines questions me taraudent. Il y a de quoi s’étonner que la nature puisse commettre pareille erreur, n’est-ce pas ? On peut aussi se demander comment nous aurions réagi nous-mêmes, victimes d’un tel handicap ? Et puis, comment être monstre sans l’avoir choisi, dans une époque où, malgré les changements continuels, les mœurs n’évoluaient guère. La plupart des gens se comportaient comme ils le faisaient depuis toujours et comme ils le faisaient depuis toujours, et comme ils le feraient longtemps encore.
– Les progrès technologiques ne changeront jamais les sentiments profonds.
– Comme le chemin de fer qui arrive dans une ville ne change pas l’allure du cheval dans le champ. »

« Qu’est-ce que son histoire peut dire de notre présent ? Sa vie pose la question de la singularité d’un être dans son époque, de la chance comme un fardeau, du talent et de ses dangers. Qu’est-ce que cette histoire peut raconter de moi-même ? De chacun de nous ? Au moment où je pose le pied à Montastruc, j’ai très peu de matière ; un acte de décès et quelques articles anciens aux informations enjolivées et contradictoires. Tous ceux qui ont connu le Géant-de-Montastruc sont morts et enterrés depuis fort longtemps. Il me faudrait un hasard favorable, et il va survenir. »

« Jean-Pierre Mazas, un beau jour, a-t-il relevé un défi ? A quel moment a-t-il commencé à s’illustrer sur les foires ? Il aurait été célèbre comme lutteur pendant huit ans, jusqu’en 1885. Ainsi ses plus anciens combats dateraient de 1877… Peu avant son mariage, donc. Marie-Adèle aurait-elle été séduite par le géant à l’occasion d’une exhibition ? »

« Jean-Pierre triomphe dans tous les combats qui l’opposent aux champions de la région. Sa grande taille l’oblige parfois à combattre à genoux. Sa réputation est telle qu’elle déborde et excite l’orgueil des lutteurs de la France entière. Jean-Pierre est plus célèbre que les brosses et les bonnets de Lavaur ! »

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