L’auteur revisite le mythe de Jésus et donc réinvente l’histoire de la bible. Il part de son enfance quand à l’âge de 5 ans, un camarade de jeu le traite de « mamzer ». Un terme qu’il ne connaît pas mais le ton ne laisse rien présager de bon. Il va alors se renseigner auprès de ses parents, Marie et Joseph. C’est ainsi qu’il apprend que Joseph n’est pas son père biologique et que « mamzer » signifie bâtard. A cette époque, les femmes « ayant fauté » sont mises à l’écart et leurs enfants également pour plusieurs générations. Jésus vit cela comme une injustice. Sa vie sera alors animée par la défense des exclus.
Jésus est présenté comme un enfant très intelligent qui aime discuter et poser des questions notamment au rabbin. Il rencontre plus tard Jean le baptiseur, puis Judas et vous connaissez déjà l’issue de cette histoire. Elle ne se termine pas très bien pour lui.
Il s’agit d’un roman audacieux comme le dit la quatrième de couverture, où l’auteur compare la religion a une secte. Marie a été violée par un soldat qui l’a fait boire. Elle n’est pas présentée comme la sainte vierge. C’est plutôt Joseph qui est un saint dans cette histoire, acceptant d’épouser Marie alors qu’elle est enceinte et élevant Jésus comme son fils. Enfin, Jésus et Marie de Magdala s’aiment passionnément.
C’est un livre court qui se lit rapidement. L’écriture est fluide et agréable. L’auteur est un excellent conteur. Il fait un portrait touchant, très humain de cette icône. Il montre Jésus sous un nouveau jour, féministe. La littérature a le droit d’imaginer, d’inventer, de réinventer, de s’inspirer du réel ou de s’en éloigner. Elle permet de se mettre à la place de l’autre, de combler des zones d’ombre, de poser des questions et d’ouvrir un dialogue. Bref, c’est passionnant.
Incipit :
Mamzer
– On ajoute deux pas, dit l’enfant.
Samuel le regarda sans plaisir compter deux pas à partir de la ligne qu’ils avaient tracée sur la terre battue. De toute façon, quand ils jouaient à caillou-touché, c’était toujours l’autre qui gagnait. De peu ou de beaucoup, c’était lui. En augmentant la distance au mur, ils en seraient à huit ou pas. Déjà que l’autre était plus habile… En plus, il le troublait, avec ses phrases qui n’en finissaient pas…
Le problème, c’était qu’aucun des autres enfants du quartier n’avait la permission de jouer avec lui. « On ne peut pas laisser ce pauvre garçon toujours seul… » répétait sa mère. Il en connaissait la raison… Mais il ne voyait pas pourquoi c’était à lui seul de subir. En plus, les autres ne se gênaient pas pour le moquer : « Alors ? Il t’a bien battu, le mamzer ? Tu es content ? »
A Capharnaüm, au lendemain matin de leur arrivée, sa mère et Marie de Magdala firent cuire des miches de pain en grand nombre, qui seraient offertes à la foule lorsqu’elle se trouverait à court, « surtout pas avant », avait insisté Judas. La veille à Tibériade, les pèlerins s’étaient retrouvés sans pain. En les prévoyant en abondance pour le lendemain, Judas voulait glorifier, une fois encore, les pouvoirs de Jésus. Les miséreux y verraient un miracle que les acolytes de Judas annonceraient à Bethsaïde, en même temps que celui des flots de Tibériade, et ainsi de suite, miracle après miracle, guérison après guérison, ville après ville, jusqu’à Jérusalem.
Jésus était conscient des ruses de Judas. Elles le perturbaient. Mais les enjeux étaient immenses, et ils avaient passé accord : à lui l’organisation, à Jésus les sermons. Alors il laissait faire.

Un avis sur « Le bâtard de Nazareth / Metin Arditi »