Toucher la terre ferme / Julia Kerninon

« Devenir mère, être une femme »

Avec ce témoignage, on entre dans l’intimité de Julia Kerninon. Comme dans un journal intime, elle se livre avec son franc-parler et sans tabou. Elle raconte son accouchement, sa dépression post-partum. Ensuite elle bascule sur des moments de sa vie : la fuite du domicile parental, son histoire avec un homme plus âgé, la rencontre avec son mari, etc.

Elle pose beaucoup de questions, peut-on être toujours la même femme en devenant mère ? Celle qui avait une vie dissolue saura-t-elle être une mère ?

Elle se rend compte que la grossesse et l’accouchement finalement se sont bien passés et que le plus dur est à venir : prendre soin de cette petite vie. Elle ne s’attendait pas à ce que cette responsabilité la bouleverse autant.

C’est un récit touchant avec cette belle plume que j’ai déjà pu apprécier dans « Liv Maria ». Cette confession résonne d’ailleurs beaucoup avec son dernier roman, où elle fait le portrait d’une femme libre enfermée dans son rôle de mère. Oui la maternité n’est pas le bonheur absolu pour toutes les femmes mais elles le gardent pour elles et essayent de se conformer à l’image qu’on attend d’une femme devenue mère. Alors que Julia Kerninon au contraire confesse ses doutes et ses peurs. Elle fait également une belle déclaration d’amour à son mari. Dans ces 112 pages qui se lisent très vite, vous trouverez des références littéraires et bien sûr des éléments très intéressants sur son rapport à l’écriture.

Note : 4 sur 5.

Incipit :

« J’étais à bout de forces et je ne le savais pas. A trente-deux ans, j’avais un enfant d’un an et demi. J’essayais d’être une mère, je ne savais pas par où commencer, la maternité était un cercle de feu dans lequel je ne parvenais pas à me tenir. J’avais fait semblant. J’avais prétendu que tout allait bien, mais je sentais la tempête se lever. Il m’avait fallu tout ce temps pour me mettre à pleurer, et maintenant je n’arrivais plus à m’arrêter. »

« Je ne trouvais pas les mots pour expliquer que les traits de caractères auxquels je devais les réussites de ma vingtaine – l’obstination, la solitude, l’intransigeance – n’étaient d’aucune utilité à une mère, seraient presque létaux pour un enfant. C’était pour ça que je n’arrivais pas à me lever, à me tenir debout, à faire face. »

« Moi qui m’étais toujours pensée solide, je me découvrais brutalement si fragile, comme si j’étais redevenue petite fille et que je devais grandir une nouvelle fois, retraverser toute ma vie pour arriver là. »

« J’ai trente-quatre ans. Je suis cette personne qui essaie désespérément d’être une mère, d’être une femme, et qui ne cesse de revenir à sa propre enfance, comme on tape vainement de front dans le bois d’une porte qu’on nous a fermés au visage. Je lis en surveillant mes enfants dans le bain, je lis à table et ils font comme moi. C’est tout. »

« Mes livres ne sont pas là pour attester ma bonne conduite. Mon écriture est là pour témoigner de ce que j’ai vu, de ce que je sais. Évidemment que je me trahis dans mes livres, mais il n’est pas censé en être autrement. »

« Tous les soirs, je gravis l’échelle de bois pour aller embrasser une dernière fois mon fils aîné dans son lit perché, je lui chuchote, Dis bonne nuit à ta maman, et ça me semble encore inconcevable, d’être la maman. »

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